A plusieurs voix

école

Je retrouve des échanges que nous eûmes, à desinfo.info, lorsque nous envisagions un bouquin collectif sur l’école (projet abandonné depuis…)

Zinzin ouvrait le ban :

Soi-disant libre

Le temps dit « libre », pour nous qui sommes intimement colonisés par tous les bouts, est celui que laisse plus ou moins vacant le programme du patron.

Or le temps de travail raisonnable serait celui que nous laisserions, au sein de notre univers perso, plus ou moins vacant pour les besoins du patron.
A Bali, les salariés ne sont pas loin de ça.
Le fiu d’îles océaniennes conduit aussi à ça.
Peut-être le mora-mora malgache également.

Le temps contraint apparaît massivement avec l’industrie manufacturière.
Et l’école obligatoire – phénomène concomitant, tiens-tiens ! – est un dressage pour cette nouvelle civilisation, où les gens doivent apprendre à mesurer le temps, et à se contenter du temps fractionné qu’on leur laisse, jusqu’à oublier définitivement qu’un temps non fractionné leur appartient, à eux, et non pas au patron. Ce dressage dure, et dure : des années pour tout le monde, et souvent le double pour les futures élites.
Et ça marche. La preuve : très peu à l’ordre du jour est aujourd’hui Le droit à la paresse de Lafargue, écrit au moment où naissait, précisément, cette école obligatoire.

Pourtant, pourtant…
Des gens qui quittent le brancard, il y en de plus en plus en Occident. Vers quelle destination ?

L’usage de l’expression « temps libre » est aussi putassière que bien d’autres vocables dont, hélas, nous nous accommodons, sans même plus y réfléchir.
Bien souvent les mots « libre », « liberté », « libéral », etc. sont là pour nous obstruer l’entendement.
Pôvres de nous…

Zinzin

Moi, moi, moi

Tu as raison, Zinzin, de pointer cette affaire du temps compté-colonisé que l’école nous fait croire tout simplement naturel !
Un autre « enseignement », qui ne figure pas, non plus, dans les programmes que les enseignants doivent mettre en œuvre, c’est la condamnation du jeune – et ça, dès tout jeune – à n’être qu’un individu, via la règle du « chacun pour soi » ; pour cette « vertu », c’est le système lui même qui est le pédagogue, tout comme pour le temps !
Et qui s’applique aux profs tout aussi bien.
La preuve : la coopération ordinaire entre profs, il me semble bien que c’est rarissime, en France, et à tous niveaux de l’appareil !

Mary.G

Dur / Tendre

Zinzin et Mary pointent deux terrains où l’école enseigne bien autre chose que les programmes.
J’en vois un autre.

La connaissance s’applique à ce qui n’est pas subjectif.
Même la poésie est enseignée comme une « matière ».
Même le vécu que l’école primaire accepte d’aspirer un peu – exemple « racontez vos vacances » – sera passé au crible de l’orho-graphe, de l’ortho-plan, de l’ortho-truc…
Tout, à l’école, est susceptible d’être noté, c’est-à-dire mesuré.
Et tout le système scolaire repose sur la sacro-sainte notation.

Héritage du XIXème siècle, où l’avenir s’entrevoyait résolument du côté des sciences dures, où la tyrannie du mesurable prenait son bel envol ?

Leçon implicite de l’école :
Prendre en compte ce qui est épuré de sa gangue vécue, ce qui ne donne pas prise à un partage d’expériences.

La tendance d’historiens à accorder de l’intérêt au « quotidien » manifeste le même désir de cette corporation de rechercher des causes objectives à ce qui s’est passé.
Transposée à l’école, elle ne peut que produire la même leçon : n’est vrai, et donc ne mérite l’attention, que ce qui est « objectif ».

Le vécu, qu’il soit individuel ou social, est laissé en pâture aux médias et à la culture.

La Docte

Nominal, nous voilà !

Mon grain de sel à propos du « hors programmes » de l’école sera plus proche du « Dur // Tendre » de La Docte que des « Temps libre » et « Moi, moi, moi » de Zinzin et Mary.G.

L’école enseigne qu’il suffit de connaître les savoirs sur les choses pour connaître ces choses.
L’Ukraine exporte du blé.
Chicago est la quatrième agglomération d’Amérique du nord, mais est moins peuplée que Lagos.
Victor Hugo a écrit des romans, de la poésie, du théâtre, des essais.

Ainsi le vice encyclopédique prend-il racine à l’école.
Et ainsi, aujourd’hui, le cheptel scolaire est-il mûr pour le formalisme de Power Point.

Oncle H

A-critique

Dans la série « Leçons hors-programmes », me vient ceci.

De même que nos parents, l’école, par définition, me fournit ce qui est bon pour moi.
Au besoin, elle embellit ses fournitures, mais en général le problème ne se pose même pas : elle est là pour embellir ma vie, pour m’embellir.
Il n’y a donc, pour l’élève, nulle propension naturelle à les critiquer raisonnablement.
Ainsi est-elle acceptée, à droite comme à gauche.
L’école est a-partisane.
Il n’y a donc, pour une personne raisonnable, nulle propension naturelle à la critiquer.
Car l’école nous fournit ce qui est bon pour nous ; si elle manque à ses devoirs, on le lui reproche.
Elle est de l’ordre de la providence, à qui l’on demande aussi, parfois, de faire mieux.
« L’autorité supérieure sait ce qui est bon pour nous. »

Vient une guerre.
L’adage joue son rôle correctement.

Vient un covid.
Crainte, cette fois, que l’adage manque de force.
Pourtant, avec l’agitation de la peur, presque tout rentre dans l’ordre. Le désobéissant sera emmerdé.
Ouf !

L’école talmudique, par contre, entraîne les jeunes cervelles masculines à contester les hautes autorités qui se sont manifestées au fil des siècles.
Dans le domaine de la religion, s’entend.
Faut tout de même pas exagérer !

Zinzin

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