école
« La plupart des gens ont oublié quelle sorte d’âme on possède à six ans, à huit ans, à douze ans.
On tient pour acquis que l’enfant n’est que l’esquisse de l’homme.
Or ce n’est pas vrai : l’enfant est un être complet en soi et très différent de l’adulte.
Il a ses idées propres, sa morale, ses désirs, ses amours, sa philosophie et enfin, les armes appropriées à son état.
Comme il est le plus faible, la plus utilisée de ces armes ne peut être que le mensonge. Les enfants mentent sans cesse, pour la tranquillité, pour couper au plus court de la vie.(…)
Treize ans est l’âge où finit l’enfance, où l’on devient adolescent, c’est-à-dire homme, et où l’on perd mystérieusement toute l’intelligence dont on jouissait jusque-là.
J’ai eu très nettement, alors, un sentiment de régression intellectuelle et sentimentale. »
« Entrer en sixième avait la solennité d’une initiation. J’étais assez flatté à l’idée de « commencer le latin », encore que la perspective de violenter ma pauvre cervelle avec ce savoir inédit et sûrement très ardu me donnât de l’appréhension.
Il y a, dans la paresse des enfants, qu’on leur reproche sans trêve et que l’on combat avec persévérance, une réaction physiologique dont, à ma connaissance, nul ne tient jamais compte.
Il sentent que leur esprit n’est pas plus robuste que leur corps, qu’il ne peut pas soulever des poids lourds, que trop d’efforts serait dommage pour leur croissance. »
Jean Dutourd de l’Académie française® – Jeannot, mémoires d’un enfant