Même en pleine abondance, beaucoup de nous vont mal, sont mal, ont mal. Et si une cause générale de nos problèmes de santé était l’abondance constante, autrement dit l’absence de privation périodique ? Je ne fais pas ici l’apologie d’un jeûne consistant à se dispenser d’une alimentation disponible. Non : je parle de privation. Nos ancêtres, cueilleurs, chasseurs et aussi – nous l’omettons trop souvent – charognards, ont très bien subsisté sans l’épicerie du coin ; d’ailleurs seraient-ils, sinon, nos ancêtres ? Ainsi donc, l’alternance de privation et de goinfrerie démesurée, pourquoi pas ? Pour l’alimentation comme pour le reste, le corps n’a-t-il pas plus besoin de variabilité et de hasard que de constance ? Ce n’est pas ce que pense la multiplicité des organisations trop bien nourries qui luttent contre la faim, pardon l’insécurité alimentaire (lutte utile à qui ?).
– Ça me rappelle ce chef traditionnel du sud de Madagascar qui fit abattre le même jour 1100 zébus pour en régaler des gens venus de centaines de kilomètres alentour. Ces ventres remplis lors d’une telle fête alors qu’ils criaient famine depuis des mois, et crieront encore pour des mois, est-ce une si grande aberration qu’on peut le penser non seulement depuis notre abondance, mais surtout depuis notre pouvoir de penser la faim des autres ?