Échange épistolaire, ces derniers jours, avec mon ami B.
Lui :
Voici ma réflexion du jour à propos de mon envie de cocréer un écolieu un tant soit peu grand, peuplé, et inspiré, que j’aimerais co-construire, avec toi si tu veux.
(je te préviens, c’est fou, donc oublie direct si tu n’as pas de grain de folie).
Un lieu bâti sur ceci :
1.
Constat que la société est perversion totale.
Pas pour la critiquer, condamner (ce qui reviendrait à reproduire sa prétendue justice) ou vouloir changer autrui ;
mais pour arrêter de faire comme si notre déni quotidien était sagesse (« oh j’achète a la Biocoop alors je suis un héros / ou, je vais au cours de Chi Gong alors je m’occupe de la seule chose que je puisse : mon éveil spirituel / ou je milite pour l’environnement donc je suis un gentil… » tandis qu’en vrai, tant par les pensées auxquelles le mental s’accroche, que nos frustrations sexuelles déguisées en respect, que nos déplacements quotidiens en engin motorisé, etc, nous sommes un.e pur.e pollueur de base).
Donc refus de principe des dénis en tous genre :
– le new age positiviste qui empêche d’être soi dans notre complexité,
– les morales religieuses culpabilisantes à en crever ; et y compris leur faux beaux aspects : mariage prison, concept rigide de sanctification de chaque famille – qui a facilité tant d’odieux viols incestueux…
– le nihilisme pollueur à en détruire toute la biosphère.
Ce refus concerne ce que je nomme la « zone préservée » ‘cf paragraphe suivant à propos du zonage).
Rien n’empêche qqn de faire une conférence sur sa divinité ou son credo dans d’autres endroits du lieu.
2.
Conscience que, nous qui bâtissons ce lieu, sommes la jonction/carrefour/entre-deux/synthèse/brouillon… de la lumière et de l’ombre
par conséquent le lieu se divise ainsi : le « fond » du lieu est une zone de nature préservée, de tranquillité, de méditation (sans apport d’icônes et autres dérives sociétales, sans exhibition d’un lien de mariage, avec possibilité d’être nu.e au moins une partie du lieu, sans mantra chanté à tue tête), sans smartphone, etc.
2bis. entre l’entrée du lieu et le fond totalement préservé, il y a une zone d’interface/transition (entre silence/bruit entre vacuité/action) etc.
cette zone permet d’une part de jouir du vice de la société,
– Je rêve d’une salle de musique, mais jusqu’à nouvelle révélation, les synthé, enceintes, ampli… sont fabriqués avec des composants électroniques polluants et appartiennent donc au côté obscur
– Un atelier avec scie électrique et autres outils pros permettra non seulement de subvenir aux répartions sur le lieu mais pourquoi pas à fabriquer des objets commercialisables pour pouvoir payer notre taxe foncière vis-à-vis du reste de la société
– Un ou des temples multi culturels pour celles ceux qui ont besoin de lire des textes spirituels, de voir des icônes, de se marier…
– Des espaces pour qu’exercent des thérapeutes et artisans…
Cette zone permet d’autre part d’accueillir la société en créant une zone non radicale.
Le fumeur pourra fumer dans la zone où c’est possible, mais pas dans l’espace protégé. L’addict à l’alcool pourra aller méditer dans le lieu protégé, mais après avoir passé une nuit a dessaouler (par exemple. tout est exemple, je n’ai pas la science infuse, mes exemples ne sont que des prémices d’idées et non pas un règlement rigide déjà prévu par moi seul)
On pourra organiser un bal dans la zone musicale…
Cette diversité sur le lieu permet qu’on accède aux zones méditatives par choix d’avec le dépouillement à moment donné, et non pas là par dépit (j’ai pas envie de vivre dans un monastère pascalien).
Le lieu a vocation d’accueillir.
Quant aux habitants du lieu, nous pourrons nous dispenser d’aller dans la zone d’activité si on a envie d’une retraite, mais si on a besoin d’écouter de la techno ou de manger une pizza, on pourra avoir tout cela sans devoir prendre une voiture pour aller en ville.
3.
Un espace agriculture vivrière bio. besoin d’au moins une personne compétente qui organise cela, mais c’est à tous d’aider quand il faut du monde en renfort.
Soit c’est juste pour l’autonomie du lieu, soit, idéalement, ça permettra aussi de nourrir autrui (les citadins ont le droit de manger aussi).
4.
La zone de sexualité libre (outre les habitats individuels où l’on fait ce qu’on veut de son corps)
Dans cette zone, soumise à un strict respect du consentement, chaque personne assez responsable de soi peut accéder et jouer collectivement à ce qu’elle veut : exhib, voyeurisme, partage, solo… etc.
NB : si cette zone demeure vide, pas de souci, et si elle est très utilisée, ok aussi.
5.
Les espaces individuels tranquilles.
Par des cabanes et/ou un bâtiment redivisé.
A l’orée de la zone de tranquillité il y a un espace dans lequel le bruit est interdit.
J’imagine ma chambre à dormir située là. pas d’électrification (les électro hyper sensibles pourront y dormir en toute hygiène).
6.
es espaces individuels bruyants. pas obligé d y faire du bruit, mais on a le droit d’y écouter sa musique, d’y parler fort avec les amis, etc.
cela veut dire qu’au lieu de reproduire le modèle pavillonnaire dans lequel les gens achètent une maison a tout faire (dormir, travailler, faire du bruit) puis s entourent d une pelouse monotone et d une clôture pour être peinards, ce qui consomme une énorme quantité de surface au sol,
nous on aurait une petite chambre tranquille si on veut et/ou un espace de vie perso si besoin en plus. ou bien on pourrait vivre qu’avec un hamac de dodo dans la zone de tranquillité et se contenter des endroits collectifs pour le reste… (adaptabilité à divers niveaux d’envie de dépouillement et aussi de budget).
7
salle(s) d animations collective(s)
et deux cuisines collectives au moins : une bio végétalienne
une plus libre de préparer tout et n importe quoi, de bien nettoyer l’éponge ou pas
ou bien une cuisine plutôt maniaque de propreté et une plus roots
8
qq bases : pas d obligation (ni interdiction) vaccinale, intention de solidarité intergénérationnelle et solidarités diverses,
intention de quête de justesse (démarche spirituelle non dogmatique). intention de décroissance matérialiste. Intention de joie (mais pas d ostracisme sur la tristesse). etc. et plein de thèmes à parler entre nous, ce n’est ici qu une brève synthèse non rigide.
Quelles différences d’ avec des projets déjà existants ?
-différence avec un habitat partagé classique : on s arrangera pour que même avec des capitaux de départ différents, on se réunisse et co-œuvre, co-habite (si on est d accord sur le fond).
-différence d avec des projets radicaux comme One nation : le constat de la perversion de la société nous autorise pas a dénigrer cette derniere, au contraire nous acceptons qu’elle fait partie de nous ; nous en sommes aussi le fruit et l assumons en l ‘intégrant dans le projet (zone de transition).
-différence d avec un projet spirituel plus classique : pas de gourous ou texte fondateur, mais le respect du zonage pour que chaque lieu ait sa vocation.
-différence d avec un projet d’autonomie alimentaire classique et d ecoconstruction : conscience beaucoup plus globale, autorisation de constructions pas ecolo dans la zone tampon où c est possible seulement.
-différence d avec un projet maraicher classique : conscience beaucoup plus globale, autre modele de vie que la famille classique d agriculteurs.
-différence d’avec le rainbow : on accepte l’existence de regles (collectivement formulées au départ), et on autorise ce que l’on ne veut idéalement pas dans certaines zones, plutôt que de le rejeter.
-différence d avec pas mal de lieux cool que j’ai vu en Ardèche / Cévennes / Aude : on peut y trouver le confort nécessaire pour les personnes âgées ou fragiles. nul besoin de savoir escalader un sentier périlleux pour y parvenir.
-différence d avec un projet survivaliste : fascisme pas le bienvenu, notre défense ce n’est pas des carabines mais un travail intérieur d’élévation et de la conscience et d’encrage.
-différence d avec à peu prés partout : on déconnecte le « chez soi » polyvalent au profit de zones perso et collectives remplissant chacune une fonction.
au lieu de rendre tabou et malsaine la sexualité hors mariage, ou de fuir sur le porno d’Internet, on la rend possible mais on la limite à une zone. (ébats en public interdits ailleurs !).
développement de l’économie de don (on pourra s’inspirer de l’écolieu Eotopia, par exemple)
Nota – Il y a bcp de points a ameliorer : place des enfants, articulation but personnel et but collectif du lieu, communication non électronique en intra et vers l’extérieur, zone pour les refugiés non adeptes intégraux du socle de valeurs du lieu, comment avoir des bases établies et une parfaite adaptabilité vivante, … notamment.
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plus on manque de nourriture, plus on rêve de festin,
plus on manque d amour (parce qu on n’en reçoit pas ou qu’on ne sait pas assimiler celui existant) plus on rêve de harem ou de parents ideaux ou de Christ (selon le type d amour dont on parle).
de nombreux jeunes vivent leur projet sans trop se poser de question, et récoltent ce qu’ils ont semé (qui n’est pas souvent ce qu’ils croyaient avoir semé).
Beaucoup de projets sont voués à l’échec soit de par le désir fanstasmé, soit de par la réalisation impulsive sans conscience totale de ce qui est engendré.
donc le texte de l ecolieu ideal dont je reve (que je vous ai partagé il y a qq jours) est davantage revelateur de tout ce que je peine à assimiler, que de ce que je vais reussir a realiser -vu comme je suis peu en forme souvent en dehors de l’été, vu mes traumas relationnels non encore guéris. Mais ce n’est pas un renoncement. je laisse cette idée suivre son chemin. simplement, je dois agir à plus courte échelle d’abord.
Dans mes jours dynamiques, j’ai toutes les idées et ressources pour faire avancer un grand projet de grand lieu alternatif, original… mais les autres jours je ne peux rien faire, et ces derniers sont majoritaires depuis mon retour à G.
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Ma réaction
Raoul Vaneigem écrit quelque part « L’ignorance dont nous entourons nos désirs abrite plus souvent la vocation de nous abîmer en regrets ».
C’est à propos de ce grand inconnu, notre point aveugle, que je cherche un peu d’éclairage :
Qui sommes-nous, au fond, qui désirons un lieu à plusieurs ?
Des porteurs de besoins, d’un bout de l’éventail ;
ou
des manifesteurs de voies pour contrecarrer la mocheté du monde et faire radicalement exister « la vraie vie », de l’autre ;
ou
les deux, mais à quel dosage ?
Je constate que, de tout ce que je sais des projets et réalisations de lieux collectifs intentionnels, je ne vois
– ni réflexion publique sur ma question ci-dessus, qui pourrait permettre de voir un peu clair,
– ni « mouvement » désireux d’éclairer les gens – puisqu’on nous informe que ça démissionne à tour de bras de jobs et de lieux d’existence – sur leurs intentions (ni gourou spécialisé, non plus, pour le moment, mais ça viendra sans doute…).
Tu écris : « Beaucoup de projets sont voués à l’échec soit de par le désir fantasmé, soit de par la réalisation impulsive sans conscience totale de ce qui est engendré. »
C’est particulièrement cet échec qui me fait poser largement les questions :
Qui sommes-nous réellement qui désirons ainsi ?
Quelle place pour la nécessaire imagination, en regard des nécessaires avancées raisonnables ? Etc.
Et ça, en amont des questions pratiques : Pour quoi ? Comment ? Avec qui ? etc., pour donner à celles-ci des chances de fournir de bonnes réponses.
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je vois plus clairement le but de l ecolieu ideal (zoné) dont je rêve :
créer un contexte pour que des creatifs reunis puissent s exprimer sans gener ni etre gênés.
le zonage permet de faire tout ce qu on veut, tant que c est au bon endroit
mais ce « tout ce qu on veut » est le plus important : que veut-on ?
j’aspire à ce que la creativité soit libérée et que naissent des actions, reseaux militants sensés, amitiés… que se fassent et se defassent pacifiquement les unions…
(si c etait pour faire la meme chose que partout ailleurs dans la société -survivre, se vanter, se reproduire, jouer a dominant et dominé, consommer, produire des choses plus ou moins douteuses, et fuir le réel- ce serait un projet vain. et c est bien la ce qui me dissuade de rejoindre bien des ecolieux visités : derriere leur façade d’altérité, ils recréent la meme routine dystopique qu ailleurs, le confort en moins).
(c est plus dur d ecrire ce que serait une société saine que de critiquer celle existante… que serait une société saine ? jouer, s aimer, s emerveiller, s entraider, se découvrir spirituellement… ?
j avoue, j ai un coté enfantin naïf…)
pour que la créativité jaillisse, il ne suffit pas de réunir des créatifs, il faut que l envie de créer soit là et donc que la sécurité soit assurée (par la foi et le peu de besoins matériels, ou par un dispositif économique concret)
mais les business plans, le mensonge ordinaire à propos de l’emploi (la fin prétendument justificative de n’importe quel moyen) nous ramenent a un homoeconomicus que je n’arrive pas à aimer.
quant aux revenus non issus du travail (rsa, ou revenus locatifs comme je beneficie), ça crée un homo parasitus que je n’aime pas mieux 🙁
Une solution doit etre trouvée pour n etre ni parasite, ni déshumanisé de par la course au lucre, ni mourir de faim…
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* je pars de mes besoins à satisfaire et je sais que d’autres humains ont les memes besoins et que donc on pourra peut etre inspirer qq personnes avec un lieu qui reponde bien aux besoins,
si on reussit on sera rejoint par des personnes contentes de nous trouver; mais si on se met trop en avant on attirera médisance, jalousie et envies de pouvoir. donc il faut coller à la congruence et à la modestie.
* je n’ai pas besoin de ce lieu. une simple maison individuelle et son jardin me suffit, des lors que je recommence à nouer des liens heureux avec autrui
j’ai une part d’orgueil qui me fait rêver d’un super lieu exemplaire, de marquer l’Histoire, de montrer que j’avais du talent, d’obtenir une place au paradis, etc.
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je garde cette utopie non plus comme un but mais comme témoin de mes besoins insatisfaits, et elle se realisera , par moi ou par d autres humains, si elle est juste, et lorsque des gens seront prets a la vivre.
mais je ne peux pas decider de sa justesse par un quelconque caprice mental. je depends des lois de la vie auxquelles je ne peux… que me conformer. chose que j’aime pas trop, mais je vois bien que je souffre si je lutte contre la vie.