Depuis un bon demi-siècle, l’on nous enjoint de voir le monde comme il est selon la télévision : jour après jour, information après information, programme après programme, rabâchage après rabâchage, injection après injection, électrochoc après électrochoc, le message subliminal ne cesse d’imbiber nos cœurs, faisant triompher ce mythe délétère.
Cette fois, allant plus loin, la loi LOPPSI 2 veut nous contraindre à voir le monde comme il est selon ceux qui le scrutent à travers une caméra de surveillance. Ses instigateurs nous laissent croire que nous, pauvres clampins aveugles et hors de cette vraie réalité-là, nous devons faire confiance à des forces ayant pour « mission » le maintien de l’ordre, qui seront d’autant plus à l’aise pour imposer leurs visions que les emmerdeurs du pouvoir judiciaire en seront tenus à l’écart.
Poussons un peu. Une prochaine LOPPPSI 3 – avec trois « P » cette fois – pourrait s’inspirer du modèle taliban : inscription dans le marbre d’un large ministère « de la Répression du Vice et de la Promotion de la Vertu », couplé à un « Organe pour la Commanderie du Bien et la Poursuite du Mal ». L’on en arriverait par exemple à ceci : ceux qui seraient absents de l’office du soir, si un vol a été commis à cette heure où toute la communauté fait acte de soumission, seraient présumés coupables. Un repérage par défaut, en somme, tellement plus économique que la multiplication sans fin des caméras de surveillance, et combien plus probant !
La tribune de Madame Aubry que publie Le Monde du 17 novembre ne convainc pas ceux qui se souviennent que, par le passé, le PS a apporté une contribution législative non négligeable à la montée du sécuritarisme.
Lobbies de la « sécurité » contre ceux qui pensent, tout au contraire, qu’il n’y a qu’une urgence : renforcer les raisons de vivre ensemble ? Les députés de droite ont-ils un autre choix que de céder aux premiers ? Se rendent-ils compte que – les dictateurs démocratiquement élus ayant coutume d’avancer à petits pas – le risque est grand que rien ne subsiste à terme de leur propre pouvoir. Au nom de la « performance » de l’exécutif ? Car c’est bien la seule « performance » de l’exécutif que veut accroître cette LOPPSI 2, non ?
Mais nous, là-dedans ? Eh bien, voilà : qu’il n’y ait plus de « nous », n’est-ce pas précisément l’objectif de cette loi ?
L’oncle h. 18 novembre 2010