Dans le temps, lorsqu’un col de chemise était usé, on le retournait. Elles le retournaient.
– Aujourd’hui, les mémés sont quelque part dans un MorituriHome : non seulement elles ne sont plus considérées en état de retourner un col, mais, en plus, elles y coûtent cher ; faut donc, d’autant plus, limiter les dépenses. Et, à cette fin, mieux vaut acheter une nouvelle chemise, fabriquée au Vietnam ou au Pakistan, transportée par avion, car payer la retoucheuse locale serait hors de prix… Et la chemise dont le col n’est plus très en état, à la poubelle !
– On me dira : encore une preuve que les salaires horaires sont trop élevés, sous nos latitudes.
– Et, faute à ces salaires trop élevés, les poubelles à fringues fleurissent.
– Et les généreux colis de fripes partent à l’assaut des pays du Sud, qui n’ont donc plus la moindre raison de se doter d’industries du vêtement. Qui en viennent à considérer que les déchets en provenance des deux rives de l’Atlantique nord, s’ils sont parfois bien submergents (le Nigeria en sait quelque chose !), ont aussi tellement d’avantages !
– Bon, et si on se disait que les salaires sont, non pas trop élevés ici, mais trop faibles au Vietnam et au Pakistan, puisqu’ils nous permettent de nous procurer ce trop qui nous submerge, nous aussi, pour finir à la poubelle sans que ça nous choque le moins du monde.
– Mon avis, pour abolir la poubelle à fringues, faut que Trump menace les Vietnam, Pakistan et tutti quanti s’ils ne doublent ou triplent pas les salaires de leurs petites mains. Moyennant quoi, promis, je retrouverai le chemin de la retoucheuse la plus proche, avec laquelle j’ai probablement bien des raisons non professionnelles d’échanger, mais que j’ignore en raison des salaires scandaleusement trop bas là-bas, comme j’ai pu le constater au cours de mes vacances scandaleusement pas chères.
– En attendant, je mets de côté mes superchemises dont seul le col laisse à désirer. Tant pis pour les marchés du sud où – promis – je renverserai désormais les étals de ces marchands de malheur !