Je doute, donc je suis

école

M. René Descartes avait une belle conscience de l’importance du doute chez quiconque veut penser :
Mais qu’est-ce donc que je suis ?
une chose qui pense.
Qu’est-ce qu’une chose qui pense ?
c’est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent.« 

Or, à l’école, je ne vois pas une seule incitation au doute.
Simple oubli de la part du grand Jules Ferry ?
Le doute métaphysique à la Descartes serait-il trop exigeant ?

Eh bien, en ces temps de catastrophe informationnelle, pour les fantassins manipulés de la guerre cognitive que nous sommes (et serons de plus en plus), il y a suffisante matière à douter, et suffisante raison d’apprendre à douter, non ?

Quelques ateliers réguliers d’entraînement au doute – concernant ses propres opinions, par exemple, tout autant que celles des autres – ne seraient-ils pas une antidote minimale contre le-tout-croire-qui-vient de-ceux-qui-ont-réussi ?

Laura Ruggieri écrit
« La pensée d’une personne tend à se figer autour de scénarios de plus en plus construits.
Même si le scénario est discutable, il est peu probable qu’il soit modifié par des arguments.
Le cerveau bien conditionné (well boxed) est imperméable à l’information qui n’est pas conforme au scénario et sans défense contre les puissantes fausses informations ou les simplifications qu’il a été préparé à croire. 
Plus l’esprit est enfermé, plus l’environnement politique et le dialogue public sont polarisants. »

Or, selon Serge Halimi, « Désormais, c’est l’exacerbation des divisions politiques – et surtout culturelles – qui alimente l’audience, mobilise les lecteurs et génère du profit. »

Le préalable serait-il que l’on enseigne ce qu’est l’opinion, tout comme l’on enseigne ce qu’est la physiologie (l’orgasme mis à part, bien entendu), ou la mécanique des fluides ?
Ceci constituerait, me semble-t-il, un début de rupture d’avec la sacrée aventure des « hussards noirs de la République », les bêli-bêla fiers d’enseigner des VÉRITÉS, et d’emblée légitimes à le faire, tout comme les curés pouvaient l’être en face…

Nous lisons chez Florence Augustine, qui explore « désapprendre » :
Selon Michel Foucault, désapprendre (de discere) est « une des premières tâches importantes de la culture de soi. [Il s’agit] de se défaire de toutes les mauvaises habitudes, de toutes les opinions fausses qu’on peut recevoir de la foule ou des mauvais maîtres, mais aussi des parents et de l’entourage » (L’herméneutique du sujet, Gallimard, Seuil) ».

Cela consisterait à apprendre à se défaire des déterminismes, à acquérir un esprit critique, quelque soit le domaine.
La meilleure manière serait d’après Foucault : « non pas de frapper de grands coups mais de jeter dans l’âme de petites semences […] », il s’agit « de s’adapter à celui à qui l’on parle, d’attendre le bon moment où la germination pourra avoir lieu. » (Lettres à Lucilius 38 et 29, L’herméneutique du sujet).
« Il faut donc désapprendre pour apprendre », disait Érasme déjà à son époque, ajoutant que « la première tâche est la plus difficile des deux ».
Oublié, lui aussi, Érasme !

Sous le titre apprendre à désapprendre Claire Boyer, conseillère d’entreprises énonce ce que sont, selon elle, les étapes du processus de création : Imprégnation, Divergence, Convergence, Évaluation.
Exemple de Picasso à l’appui.
Si quelqu’un sait ce que ça vaut, je suis preneuse.
(toctocquer le timbre-sonnette rougissant, en haut à gauche de chaque écran de ce site)

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