désinformation
Commentant le tableau de droite (évocation de l’enfer) du « Jardin des délices » de Jérôme Bosch, John Berger écrit :
« Cet enfer est devenu une étrange prophétie du climat mental imposé au monde de la fin du XXe siècle par la mondialisation et par le nouvel ordre économique. (…)
En ce lieu, il n’y a pas le moindre horizon.
Aucune continuité entre les actions, aucune pause, aucun chemin, aucun dessein, ni passé, ni avenir. Il n’y a que la clameur du présent, disparate et fragmentaire.
Partout se rencontrent surprises et sensations, nulle part pourtant ne se dessine le moindre résultat.
Rien ne coule, tout interrompt le flux.
On dirait une sorte de délire spatial.
Comparez cet espace à ce qu’on voit lors de n’importe quel intermède publicitaire ou dans un journal de la chaîne CNN, dans la manière dont les médias en général commentent l’actualité.
On y trouve la même incohérence, un désert comparable d’excitations distinctes, une frénésie similaire.
La prophétie de Bosch est celle de la vision du monde qui nous est communiquée aujourd’hui par les médias sous l’effet de la mondialisation, avec son incessant besoin de vendre qui relève de la délinquance.
Les deux sont comme un puzzle dont les malheureuses pièces ne s’emboîtent pas les unes dans les autres. »
John Berger – La forme d’une poche