Dans un village soumis à invasion touristique, je franchis un jour le seuil d’une maison particulière où d’autres visiteurs aussi faisaient halte. Pas d’enseigne. Qu’est-ce ? Pourquoi ce rassemblement ?
Une construction végétale y occupait une vingtaine de mètres carrés : du bambou, du liseron, des graines de colza, un plant de ravenelle. Une petite notice précisait que cette construction voulait représenter deux des aspects de la prolifération potentielle des OGM : le gène ‘sauteur’ et la manne financière.
Le ‘constructeur’ s’avéra appartenir plutôt à l’engeance contestataire qu’à celle se nommant artistique, bien qu’il se fût agi d’une ‘installation’ comme en exposent des galeries. Les échanges avec les visiteurs portaient, me dit-il, tantôt sur l’ordre végétal (dont les jardins), tantôt sur l’art et le végétal en son sein, tantôt sur les OGM, tantôt sur l’acte-même d’exposer : qu’un particulier puisse ainsi « publier » sa réflexion, dans sa propre salle de séjour, et sans qu’il soit besoin d’affiches ou de mises en œuvre compliquées quant à la communication, voilà qui ravissait certains visiteurs.
Trois jeunes de passage, après un peu d’hésitation :
– Dites-nous, monsieur, vous êtes un ex-soixant’huitard ?
Réponse de l’interpellé :
– Ex-soixant’huitard ? ma foi, non ! Mais soixant’huitard, ça oui !
Est-il besoin de se considérer tel pour ouvrir sa porte ?