Je retrouve cet écrit de 2006, égaré au fin fond d’un disque dur…
1- N’ayant aucune thèse a priori à exposer quant aux sujets que je compte explorer, et ne recherchant point non plus à en élaborer une, je ne m’abstiens pour autant pas de m’exprimer.
Je suppose et espère que les lignes diront d’elles-mêmes pourquoi cette indétermination …et pourquoi cette oisive (oiseuse ?) activité.
D’un enchaînement d’ères où tant de vérités peu ou prou éternelles furent assénées – à la plus grande satisfaction du grand nombre -, n’est-il point temps de glisser explicitement vers l’exposition de difficiles pas à pas, débarrassés de la quête d’évidences ?
Las ! ne pas savoir et croire qu’on sait, telle est encore la maladie des hommes.
2- Liens entre cette Évidence de la Vérité et l’autre Évidence dont l’envers sera particulièrement questionné ici :
Travail-Détermination-Vitesse ?
Ou bien non, pas de liens ?
3- Ma propre existence a souvent privilégié et privilégie particulièrement en ce
moment Oisiveté, Indétermination et Lenteur. Je veux conduire la présente
aventure sous ces auspices.
Me mettre à cet ouvrage ce 15 août 2006 n’est pas à mes yeux entreprendre un
travail : je n’y suis nullement contraint, et ne me donnerai même jamais la
moindre obligation – fût-elle morale – d’aboutir. Ceci suffit-il à dénier à
l’aventure toute imputation/connotation de travail ? A voir…
Je compte bien obtenir diverses collaborations dans ce pas-à-pas, et espère bien
que pour aucune des personnes qui s’y colleront il ne s’agira non plus de
travail. Je crois – conviction n’est pas vérité – que l’oisiveté est en mesure
de générer les plus éminentes productions. «Attendre que ça vienne» n’est-il pas
un processus de production bien connu chez les créateurs de tous poils.
Dans l’aventure qui commence aujourd’hui, j’ignore absolument ce qu’en sera le
résultat exposable. Je me fiche d’ailleurs que «ça» aboutisse ou non, ainsi que
je l’ai dit. Et si «ça» aboutit, je suis indifférent au « produit » que «ça»
sera. Mais aucunement au processus que «ça» aura été et que ça continuera
peut-être d’être pour les éventuels lecteurs de tous ordres : une suite
d’intuitions d’une part, et de confrontations d’autre part, espéré-je.
Cette aventure exclut toute urgence : bien au contraire sera privilégié l’«
amzer ‘zo » des bretons des temps jadis, tout comme le « moramora » des
malgaches (peut-on aussi spécifier : des temps jadis ?), et les trente six mille
manières qu’ont eu les terriens des temps jadis de déclarer l’urgence nulle et
non avenue. Etat de non-urgence, donc.
4- –Aux yeux de la famille « fourmi », l’oisiveté est mère de tous les vices. La
famille « fourmi » fait là un plaidoyer pro domo ; comme tout plaidoyer pro
domo, celui-ci doit faire l’objet d’un doute a priori.
Exagérant tout autant, la famille « cigale » ne peut-elle dire que le travail en
est le père ? Sinon, pourquoi la télévision joue-t-elle à présent un rôle si
central de dépuratif dans notre édifice social, lui-même dédié à 99% à la
religion du travail ?
5- Ayant associé « oisiveté » et « production », force me sera de me situer par
rapport
– à la banale passivité,
– au « non agir » (dit « oriental » lorsqu’on veut désigner d’un qualificatif
unique l’entrelacement du confucianisme, du bouddhisme avec le taoïsme
ancestral) : « celui qui est parvenu au comble du vide garde fermement le repos
».
(j’aimerais particulièrement réussir au passage mon couplet contre le «
passifisme »)
6- « La passivité ne sera jamais assez passive » Maurice Blanchot
7- D’avoir associé « lenteur » et « jadis » me contraint à explorer ce lien plus
avant.
Je n’ai rien d’un nostalgique. C’est pourquoi, par exemple, j’oppose aux
nostalgiques d’une Bretagne passée un redoutable texte de Pierre-Jakez Helias
peu connu : Egile, l’Autre. Non, rien à faire de la nostalgie. Les raisons de
mon opposition aux projets d’implantation d’une centrale atomico-nucléaire en
Bretagne, par exemple, ne se fondaient nullement sur un refus du temps présent.
« Nous avons déjà fait taire le monde. Nous ne supportions pas qu’il se permette
des chants plus beaux et plus inouïs que le nôtre. Nous l’avons vidé, grâce au
christianisme, des divinités qui le peuplaient et célébraient la beauté d’un
fleuve, d’un mont. La science moderne l’a réduit en équations, en algorithmes,
l’atome n’étant plus que l’ombre d’un nombre. Il nous reste à franchir quelques
pas pour le museler définitivement. Nous ne l’avons pas tout à fait muselé.
L’univers ne sera jamais à notre botte. Nous serions bien imprudents de parier
sur son inertie. » Pierre Sansot (j’y reviendrai).
Me guide un souci d’équilibre, ô combien compatible avec certains traits
radicaux de mon être-au-monde.
8- J’ai parlé de collaborations attendues. Si livre il doit y avoir, il inclura
des contributions de lecteurs que j’aurai sollicités en cours d’aventure, ou qui
se seront proposés d’eux-mêmes. Ce que j’attends de ces collaborateurs : qu’ils
oeuvrent en tant qu’autres facettes que la mienne d’une intelligence collective,
ouvrant à ce titre la voie aux autres lecteurs qui leur succèderont et qui
seront appelés, eux aussi, à « contribuer » fût-ce silencieusement.
J’apprécierai tout particulièrement que la confrontation fasse apparaître des
contradictions ; pourquoi la polémique n’y trouverait-elle pas sa place ? Les «
autres lecteurs », ceux d’après l’éventuelle publication, seront à mes yeux tout
autant des collaborateurs car je n’envisage une telle publication que comme une
étape de l’aventure.
9- J’écris en surplomb d’un minuscule port de Ploueg de la Mer où des visiteurs
de l’été viennent les uns après les autres, en automobile, absorber une vue sur
mer durant – si j’évalue bien – une moyenne de trois minutes pour la partie
d’entre eux que l’on observe pressée : quelque chose comme une pilule, non ?
Peut-être l’art de voir nécessite-t-il en entraînement à perdre son temps ?
10- Même si mon intention de départ était d’écrire un éloge provocateur de
l’oisiveté, de l’indétermination et de la lenteur, j’en suis venu à y renoncer
dès les premiers mots écrits (et nullement avant : magie de l’écriture) : à ce
stade de ma tâche d’oisif, je préfère en effet laisser mon propre travail – au
sens de parturition – se conduire selon son propre penchant ; le penchant de son
mode de production, devrais-je sans doute dire.
11- Tâche d’oisif et travail-parturition. Faire advenir ce qui advient. Tentant
de caractériser pour Xavier la tâche en cours, je lui parle de mon « grand œuvre
». Indiscutable est mon besoin de faire advenir ce dont je suis gros. Si le
grand œuvre s’avère avorton, eh bien l’accouchement permettra du moins de
laisser place à une possible nouvelle aventure. Mais, question : un parturiant
est-il oisif quand il se trouve en travail ?
11- D’écrire par paragraphes numérotés – ce à quoi je n’avais pas pensé une
seconde avant de me saisir du clavier – me fait me rappeler Unabomber –
leuco-site.net/PRIVATE/jcv/rien/una/una_idx.htm
« La révolution industrielle et ses conséquences ont été un désastre pour la
race humaine. Elle a accru la durée de vie dans les pays « avancés », mais a
déstabilisé la société, a rendu la vie aliénante, a soumis les êtres humains a
des humiliations, a permis l’extension de la souffrance mentale (et de la
souffrance physique dans les pays du Tiers-Monde) et a infligé des dommages
terribles à la biosphère. Le développement constant de la Technologie ne fera
qu’aggraver la situation. Ce qu’auront à subir les hommes et la biosphère sera
de mal en pis ; le chaos social et les souffrances mentales s’accroîtront, et il
est possible qu’il en aille de même pour les souffrances physiques, y compris
dans les pays ‘avancés’. »
Comment ne pas accorder crédit à ces lignes ouvrant le manifeste ?
Pourtant, deux points au moins me séparent de leur auteur :
– Unabomber a eu la volonté de modifier magiquement l’état des choses dans le
sens qu’il estimait souhaitable ; à cet égard, la violence de ses attentats est
de même nature que celle de ses écrits (bien d’autres écrivent, aussi persuadés
que lui de détenir une vérité de nature à changer radicalement l’état des choses
; s’ils n’osent pas pour autant faire exploser leurs adversaires comme lui le
fit, il n’y a à cela, ce me semble, qu’une différence de degré),
– il fait résider dans la technique le nœud gordien de l’état des choses qu’il
rejette.
12- Que nos existences soient gangrenées par la technique, telle est pourtant
aussi ma conviction. C’est pourquoi – soit dit à titre d’exemple – je ne
passerai pas la présente aventure à la moulinette des forums de l’Internet. Non,
certes, que le livre soit un résultat a-technique : pour rédiger celui-ci, dans
mon abritomobile (invention aussi extraordinaire qu’en est lamentable sa gestion
à l’échelle collective), j’utilise un ordinateur, etc.
Alors : le grand méchant loup, pour moi, c’est quoi ?
Les médias, puisque je nourris des projets de publication im-media ?
Le travail-opium-du-peuple ? Ce ne serait peut-être pas bien grave, car, aux
dires de certains, le travail est en voie de disparition.
Ou bien le loisir, sa prétendue antithèse, puisqu’il m’arrive de penser que ce
qu’il convient d’abolir, c’est le loisir-caution ?
A vrai dire, ce genre de question ressortit à la perpétuelle tradition du
renversement des autels, l’un renversant l’autre au fil de l’histoire pour en
prendre la place.
Il y a mieux à faire que ces dialectiques à la noix.
13- Ce que je propose aux collaborateurs-contributeurs-contradicteurs-polémistes
à venir :
– qu’ils commencent par recevoir ces lignes, selon les cas au fur et à mesure de
l’émergence de celles-ci ou par blocs, et qu’ils s’en fassent lecteurs,
– qu’ils y réagissent en laissant faire le temps (c’est mieux), ou bien illico
selon leur penchant ou les circonstances,
– qu’ils suivent ensuite l’aventure, à son rythme.
Réagir, en pratique, signifiera : rédiger une/des contribution/s signée/s, qui –
à supposer que je les valide – prendra/ont place au fur et à mesure de sa/leur
réception, dans le fil des paragraphes numérotés ; ces contributions ont donc
vocation à apparaître de manière autonome dans l’œuvre finale – à supposer
qu’œuvre finale il y ait, bien entendu ! ; lorsqu’une contribution constituera
une réaction à un paragraphe préexistant, elle le mentionnera.
Œuvre de collaboration n’est pas œuvre collective, selon le droit. La question
des droits d’auteur va se montrer redoutable !!!
14- « Le monde est allé de plus en plus vite (…). Les hommes qui ne sont pas
aptes à soutenir ce train d’enfer demeurent au bord de la route et souvent
attendent en vain qui les dépannera et leur permettra de recoller au convoi. La
raison veut-elle que nous nous inclinions devant un processus que l’on dit
irréversible ou bien ne nous invite-t-elle pas plutôt à nous soustraire à une
telle galopade quand rien ne la justifie ? Une simple remarque m’inciterait à
emprunter la seconde voie : les personnes si rapides devraient, en principe,
accumuler une petite pelote honorable de temps libre où enfin elles vivraient
pour elles-mêmes sans se soucier d’une tâche imposée ; or à l’évidence elles me
semblent vivre misérablement dans une sorte de pénurie, étant toujours à la
recherche de quelques instants où elles seraient délivrées d’un forcing
épuisant. »
J’eus pu prendre cet extrait de Du bon usage de la lenteur (Ed. Rivages poche) –
dont j’ai modifié la ponctuation, soit dit au passage – comme un élément du
drapeau des partisans de la « décroissance ».
Je préfère m’attarder aux six mots « à l’évidence elles me semblent » : ainsi,
au détour d’un membre de phrase, Pierre Sansot, écrivain patenté, laisse
transpirer quelque chose d’incertain quant à ce qu’il fait en (nous) écrivant :
est-ce évident ou bien seulement lui semble-t-il que les personnes si rapides
etc.? Affirmer les deux à la fois est intenable, non ?
Bon, on dira que je pinaille ! Si j’y suis particulièrement sensible, c’est que
l’aventure en cours – déjà deux pages d’écrites ! – consiste aussi – on le
comprendra, je suppose et espère – à poser pour la nième fois, sous toutes ses
formes, les questions « Qu’est-ce qu’écrire ? » « Comment écrire ? », etc..
15- Le même Pierre Sansot (c’est fini, je ne le citerai plus ! au lecteur de s’y
référer s’il le souhaite) : « On ne peut pas ériger la lenteur en une vertu
préférable en soi. » J’approuve.
Je retiens surtout la caractérisation qu’il fait de la flânerie : « Ce n’est pas
suspendre le temps mais s’en accommoder sans qu’il nous bouscule. »
S’accommoder du temps sans bousculade. Est-ce d’être désormais vieux qui me fait
vanter le pas-à-pas ? Pas si sûr car la marmite où mijota le présent écrit s’est
alimentée de multiples échanges avec des jeunes autour de la vingtaine.
Peut-être même est-ce à ces jeunes que je destine implicitement ces lignes ? Si
oui, c’est pour obtenir de leur part contributions et contradictions que
j’écris, non pour leur délivrer un « message ».
Ces jeunes lesquels je pense sont affublés de parents qui désirent le bien de
leurs enfants. Moyennant quoi, vu la rudesse des temps présents en termes
d’emploi, ces parents exercent sur eux une très forte pression pour qu’ils ne se
trompent pas dans le choix de ce qu’ils doivent être capables de faire demain.
Or les tribulations des jeunes en matière d’emploi ne sont que l’un des aspects
de leur difficulté à penser le monde dans lequel ils ont été propulsés. Tant
qu’ils seront à la traîne de leurs parents pour ce faire, ils n’élaboreront rien
de nouveau : les rouages pensants d’une machinerie qui se donne des airs
d’évidence peuvent-ils, en effet, penser d’autres machineries ? Combien d’hommes
habitués à user d’un savon à barbe imaginent-ils spontanément qu’un tel savon
n’a rien d’indispensable pour se raser à l’aide d’une lame ?
De leur côté, les enfants de parents « alternatifs » sont-ils logés à meilleure
enseigne ? Je doute fort qu’une simple panoplie de pratiques pour éviter le pire
(pêle-mêle : commerce équitable, Chirac contre Le Pen, je signe pour Mermet, je
me déplace à vélo, etc 😉 soit à la hauteur des enjeux ! L’affaire du savon à
barbe se joue aussi chez ces parents-là, malgré leurs airs d’en connaître un
rayon en matière de différence.
Chez nombre de jeunes développant une conscience du monde où ils vivent, la
seule voie spontanée d’espoir est l’ « humanitaire », autrement dit la généreuse
fuite. Diable !
J’ai aussi rencontré des jeunes, des filles, qui sont parvenues, de haute lutte,
à faire admettre à leurs parents qu’elles ne céderaient pas sur leur propre
désir sans que cette crise des parents vienne, en plus, surcharger leur barque.
Bravo !
16- « A supposer que je les valide », ça veut dire quoi ?
Depuis cette quatrième page, je crois pouvoir dire que les éventuelles censures
à venir auront pour objet de ne sélectionner pour les lecteurs d’après la
publication que des propos où, d’une manière ou d’une autre, le triptyque
Oisiveté-Indétermination-Lenteur – sera croisé quand ce ne serait qu’entre les
lignes – avec telle ou telle des questions que je cherche à ressasser ici :
Qu’est-ce qu’écrire ? Comment penser tant soit peu personnellement ? etc.
Pour cette sélection, serai-je bon juge ? Bonne question !
17- Dans la vie courante, il m’arrive d’être un propagandiste d’expériences
promouvant la gratuité, le don, etc. Aussi m’arrive-t-il de me frotter à
d’autres réflexions à cet égard.
Dans De la gratuité (Ed. de l’Eclat). Jean-Louis Sagot-Duvauroux écrit :
« Rien n’est plus coercitif qu’un compte en banque. La liberté du Smic s’arrête
à cinq mille francs (en 1995 = 763 euros). Au-delà, les valeurs et les lois de
l’Etat, son école, ses églises, sa police, sa justice, ses prisons pèsent de
toute leur violence et préservent avec l’assentiment du plus grand nombre la
frontière sacrée de la valeur d’échange et du billet de banque. (…) Le nœud de
ce paradoxe, c’est l’assentiment, le consensus qui entoure l’argent, et combien
chacun intègre en conscience la violence d’Etat qu’il cache dans son
portefeuille ou derrière le code secret de sa carte bancaire. Toute la violence
sociale est là. Mais protégée, admise, naturalisée. C’est ce qui rend si
tentante la régulation par l’argent (péages d’autoroutes, parcmètres…). Elle
apparaît vite comme normale et finalement relativement indolore puisque le gros
bâton qu’elle utilise a déjà globalement fait son œuvre dans les consciences. »
J’ai eu un jour l’occasion d’exprimer à un agent de la grande machinerie de
l’Emploi (avec un grand E) ma conviction que Oisiveté-Indétermination-Lenteur
doivent gagner du terrain. J’aurais proposé d’abolir l’argent que je ne serais
pas passé pour plus fou, m’a-t-il semblé.
Evidence, quand tu nous tiens !
Evidence aussi – non ? – de ce qu’est écrire. Tant de choses vont de soi…
18- Le démographe Hervé Le Bras démontant une autre « évidence », celle du
vieillissement de la population : « Si la fonction des mythologies est de
connecter l’individu le plus modeste dans ses actes les plus ordinaires avec le
cosmos entier, alors la théorie du vieillissement est une mythologie. (…) On a
préféré le terme de mythologie à celui d’idéologie, car l’idéologie évoque une
tromperie, une illusion ou une représentation partielle. Ce qui assure le
succès d’une mythologie est au contraire un mélange de significations et de
liens surabondants ainsi que des possibilités de lecture à différents niveaux. »
L’adieu aux masses – Ed. de l’Aube.
Ce livre est celui que je lisais hier, juste avant d’entreprendre le présent
texte.
Je lui sais gré de me fournir sans le vouloir l’hypothèse que
Oisiveté-Indétermination-Lenteur soit aux antipodes de la « mythologie »
régnante.
Je luis sais gré, en outre, de m’avoir – tout autant sans le vouloir –
partiellement inspiré cette expérience d’écriture, antipodique à sa pratique. Je
soupçonne l’auteur d’avoir publié sous forme de livre un matériel
d’enseignement. Qui dit enseignement – du moins en France, et selon mon
expérience – dit quelque chose de l’ordre de la Révélation ; personnellement, ça
ne me convient pas comme exercice et alimentation intellectuels : ingurgiter
pour régurgiter, non merci ! J’adhère pleinement à la phrase – de Montesquieu si
je ne m’abuse – « À trop vouloir enseigner l’on empêche d’apprendre ». Cette
conviction m’a conduit à tourner le dos à l’enseignement voici trente ans. Pour
la défendre – mais pas dans une optique pédagogiste – j’ai toujours en cours un
livre, que j’ai provisoirement abandonné pour élaborer une manière d’apprendre
une langue étrangère au besoin sans enseignant.
L’on comprendra que la démarche entreprise depuis déjà plus de quatre pages se
veuille – y parviendra-t-elle ? – non pas enseignement, mais incitation à
chercher librement.
Me vient à l’esprit ce que m’a rapporté il y a peu Hafid. Au moment de le
conduire à l’école, son père, qui lui avait inculqué les grandes bases de ce
qu’il estimait devoir enseigner à son fiston de la vie et du monde, lui déclara
en substance : « Maintenant, va apprendre autre chose ; ce sera à toi de
déterminer ce qui a le plus de valeur, de ce que je t’ai enseigné et de ce que
t’apprendra l’école. »
19- A part mentir, qu’est-ce qu’écrire ? A part se mentir, qu’est-ce que
s’écrire ? Et quand il s’agit d’écrire un livre ? Un livre faisant plus autorité
qu’un texte sans le codage isbn 978, le risque est grand que l’auteur veuille à
cette occasion emboucher quelques-unes des multiples trompettes de l’autorité.
Peut-être même ne veut-il « faire un livre » que pour en jouer ? Méfiance !
20- Ah, tiens, il doit être tard : le ballet des preneurs de coups d’œil s’est
raréfié. A croire que la montée de l’ombre sur la baie ne présente pas d’intérêt
!
21- Ce matin, ce point du jour non plus n’a vraisemblablement aucun intérêt :
pas le moindre avaleur de pilule à mes côtés !
22- Par quel bout poursuivre ? Si au moins un contradicteur me faisait l’honneur
de venir à ma rescousse ! Mais non, c’est au temps de faire œuvre. Patientons.
Sûr que d’envoyer promener les règles courantes de l’exposé aide à prendre les
choses par n’importe quel bout. Pour autant, appliquera-t-on à mes énoncés les
critiques que j’applique ordinairement aux collections d’aphorismes : goût
immodéré de la tournure, recherche de la petite phrase, mais surtout absence de
construction pouvant friser l’irresponsabilité. J’ambitionne que non.
23- Perdre son temps ? Perdre ses clefs ou bien le nord, oui ! Mais perdre son
temps ? Et puis « son » temps : c’est quoi ?
Avoir tout son temps ne me choque pas, alors que ça résonne du même « son ».
24- Il y a une vingtaine d’années, un conservateur de musée m’interrogea
informellement : quel axe donner à son musée en voie de lifting. Ma réponse fut
que, les images ayant pris possession du quotidien, ce n’est plus guère aux
musées d’en proposer, sous peine de banalisation ; que par contre les lieux de
recueillement qu’étaient les églises ayant perdu les faveurs des hommes, il y
avait peut-être lieu de réfléchir à une alternative : pourquoi les musées ne
proposeraient-ils pas des espaces d’un nouveau type – essentiellement vides – au
moins aussi bénéfiques aux hommes que les collections d’œuvres avaient pu l’être
jusqu’alors.
Dans ce cas comme en d’autres où je fus consulté amicalement de la sorte, mes
propositions n’eurent pas l’heur de plaire. Le musée en question est aujourd’hui
partie intégrante d’un grand ensemble culturel : rien n’y a été inventé pour le
genre de besoins que j’avais cru pouvoir identifier. Etrange, non ?
25- Les arrivages reprennent. Parfois le diesel reste en marche, le temps du bol
d’air.
26- Je crois bien que le malaise de notre civilisation tient à notre
empressement à boucher les trous dont nous sommes constitués et par lesquels
suintent les désagréables ennuis, angoisses, etc.
Blaise Pascal avait identifié, m’a-t-on enseigné, notre souci du «
divertissement ».
Tant que nous n’aurons pas acquis une meilleure lucidité, ayant au préalable
assumé notre état de « troués de partout », avides et désirant sans fin, nous
nous enticherons d’idoles comme sont le travail, le loisir, la technologie, les
médias, et tous autres autels passés et à venir.
L’histoire des humains ne nous apporte jusqu’à présent pas de réponse positive
quant à la possibilité de construire une telle lucidité ne serait-ce qu’à
l’échelle d’une société restreinte.
Elle nous fournit pourtant, toutes cultures confondues, une vaste typologie
d’individus ou groupes d’individus minoritaires très investis dans cette tâche.
L’école à la française, peu ou prou héritière des Lumières, est tellement en
échec tous azimuts, tellement dénuée de fondement, tellement en recherche
d’osmose avec l’air du temps, qu’il est insensé d’en attendre quoi que ce soit
d’utile à cet égard.
27- S’occuper, chasser l’ennui.
Que de programmes de lutte contre l’ennui : vacances, travail, cinéma,
bénévolat, drogues, médecines… ! Et que d’énergies y consacrées !
Si nous n’avions pas à ce point peur du vide, ce gouffre où s’enracine le désir,
nous n’en serions pas là de cette agitation mortifère !
L’énoncé Oisiveté-Indétermination-Lenteur a, selon moi, pour principale valeur
de remettre le vide au centre.
« S’occuper », drôle de formulation : subir l’occupant que nous sommes à
nous-mêmes ? C’est peut-être bien de ça qu’il s’agit. Puisque nous sommes
individuellement étrangers à nous-mêmes, nous en sommes bien capables ! Et
puisque ce qu’est l’humain est demeuré jusqu’ici quasi-inaccessible à la
connaissance humaine, je me permets de ne pas trouver cette thèse plus sotte
qu’une autre !
28- Puisque je suis en ce lieu géographique pour cause d’apprentissage de
langues.
La suggestopédie du bulgare X., implique à la fois la variation des occupations
(une activité, même pour un adulte, n’y dure pas plus de cinq minutes) et le
recours intensif à l’oisiveté (mise à contribution matin et soir des moments de
mi-veille mi-sommeil, par exemple). J’espère bien qu’au cours d’une expérience
je pourrai coupler ça avec mes propres procédés.
Anna Lieti écrit que, vers cinq ans, elle était parvenue sans effort à parler
couramment une autre langue, mais que, l’ayant oubliée et ayant été, vers douze
ans, en position de la réapprendre via un travail scolaire, elle fut cette fois
une parfaite cancre. Elle cite aussi un cas très révélateur d’un travailleur
forcené qui renonça à ne parler jamais un traître mot d’une langue étrangère
dont il avait pourtant fini par connaître parfaitement grammaire et très ample
vocabulaire, pour y avoir consacré un temps de travail infini.
29- Tony – passé il y a peu d’épicier à oisif – s’étonne de ce que, dans l’ordre
de mes priorités, je place la présente aventure d’écriture avant une autre de
mes intentions : recueillir quelques dizaines de témoignages de personnes ayant
effectué une « rupture soutenable » dans le cours de leur existence personnelle.
Il fait également le rapprochement entre ce que je lui dis de mon écrit en cours
et l’Encyclopédie du savoir relatif et absolu (est-ce bien le titre ?) de
Bernard Werber ; autant j’avais applaudi à l’initiative de Werber de mêler
joyeusement ce qui ne l’est ordinairement pas, autant la démarche d’inspiration
encyclopédique me répugne. A son tour, la dimension « journal de bord » déplaira
certainement à certains de mes lecteurs.
Et Tony me rappelle par ailleurs cet auteur ( ?) qui énonce que tout travail,
par nature, détruit celui qui travaille et ce que met en œuvre ce dernier, donc
que tout travailleur travaille à se détruire.
30- J’ai l’intuition que « lucidité » et « encyclopédie » constituent un
attelage peu pertinent, tant ils sont antinomiques.
31- Zef Jegard, recordman Guiness à un âge très respectable de Brest-Vladivostok
à vélo, prévoyait il y a peu de reprendre la route sans idée préconçue : juste
aller chaque jour dans le sens du vent. L’a-t-il fait ? Pour ma part, je cultive
l’indétermination d’une manière assez comparable : à tout moment, avoir aussi
peu d’engagements que possible pour pouvoir bifurquer sans délai. Ni programme,
ni dieu ni maître. Ni slogan non plus !
Mais cultiver l’indétermination, n’est-ce pas être déterminé ?
Indétermination, détachement, lâcher-prise, indifférence. Jusqu’où poursuivre la
série ?
32- Reprise de ce chantier d’écriture après quelques centaines de kilomètres de
vacance.
33- Mon intention d’écrire pour soumettre ma production à des personnes
diverses, en vue de réaliser une œuvre de collaboration s’inscrit dans ma
préoccupation concernant l’absence de débats et de savoir-faires en la matière,
dans notre environnement.
L’idée qu’une intelligence collective puisse se développer grâce à Internet a
été popularisée au moment de l’irruption de ce mode de communication dans la vie
de tous les jours. Même si d’heureuses exceptions existent, les faits sont loin
d’être à la hauteur de cette postulation !
J’évoquerai tout à l’heure la vie en communautés. J’aimerais qu’en ce domaine
cette question de l’intelligence collective soit à l’ordre du jour dans les
réflexions à ce sujet : n’est-ce pas primordial ? À quelles conditions une belle
intelligence collective peut-elle se faire jour dans de telles circonstances ?
etc.
De la même manière, comment une initiative comme celle-ci peut-elle constituer
une expérience dont des enseignements puissent être tirés ? N’est-il pas
souhaitable que quelques autres expériences soient conduites à titre comparatif
?
34- Oisiveté et rente. Il est aisé d’être oisif quand l’on dispose d’une rente
(ou plus)… Le Rmi constitue la rente sur laquelle j’assois mon actuelle
oisiveté. Il m’est aussi arrivé d’oiser en étant entretenu.
J’ignore jusqu’à quel point les rentes assurent les revenus des autres
européens, mais j’ai l’intuition que ça ne doit pas être rien ! Au-delà des
aides sociales de tous genres, la rente foncière et immobilière fleurit ! Les
rentes boursières idem…
Les loyers sont un domaine intéressant pour déchiffrer les liens entre oisiveté
et travail : une bonne part des nécessités de travailler ne résident-elles pas
en l’obligation de payer un loyer ? Loyer au propriétaire des logements
particuliers, à celui des murs ou de biens immatériels dans le cas d’activités
professionnelles, loyer encore à la banque en raison de prêts contractés, etc.
La particularité de ces loyers c’est que le travail à un bout de la chaîne
rémunère des oisifs à l’autre bout. Ce dégagement de surplus par ceux qui
travaillent est bien connu des théoriciens de l’économie. Il entretient une
aristocratie dont l’oisiveté va de soi. Pas banal, ça, que la justification du
travail soit l’oisiveté !
35- Il me semble que la quantité de travail humain nécessaire à la marche de la
collectivité décroît tendanciellement, et qu’il pourrait décroître encore plus
sensiblement si la logique en cours n’était pas celle de l’accroissement
perpétuel du PIB. Quid du « travailler deux heures par jour » ?
36- J’ai abandonné l’idée d’un éloge provocateur de l’oisiveté, ai-je énoncé
plus haut. A la réflexion, ce que je cherche est peut-être : quel usage
l’individu peut-il faire de l’oisiveté lorsque il se trouve dans cette situation
? Ou : quelle place pour les oisifs dans le concert des activités d’une
collectivité ?
Oui, dans le « concert des activités », car d’une part l’oisiveté complète a
pour nom la mort – l’oisiveté des vivants est donc toujours relative -, d’autre
part le fait est que la part de gens oisifs dans la collectivité où je vis
croît.
J’en viens aux activités hors PIB, qu’il s’agit de décortiquer un peu. D’ores et
déjà ce PIB n’intègre que le travail des « actifs » ; celui des « inactifs »
compte pour du beurre. C’est ainsi par exemple que le travail domestique est
sans intérêt pour l’économie.
Or, prenons l’exemple de deux adultes d’un même ménage en train de se disputer
quant aux tâches dites ménagères, et dont un seul « travaille ». Les soins au
bébé, l’entretien de la maison, les courses, la popotte, les navettes avec
l’école, etc. étant sans fin, tout ça n’est pas toujours achevé quand rentre
celui qui « travaille ».
D’un autre point de vue, les courses à elles seules constituent un acte
économique aussi nécessaire à la machinerie économique que la production : sans
producteur pas de production, certes, mais sans acheteur ?
37- Pour comprendre « oisif », force est d’interroger ces trois oppositions où
entre « actif » : actif/inactif, actif/oisif, actif/passif.
38- J’ai un peu fait, il y a quelques jours, la connaissance de Denis, Brigitte
et Nadia, les trois premiers amopiens que j’aie rencontrés. Leur but : créer un
réseau de communautés au sein desquelles les bases de l’économie capitaliste
seront remplacées par une forme de communisme – chacun travaillant pour tous –
fondement d’existences d’un nouveau genre (http://amopie.free.fr), elles-mêmes
gages d’une adéquation entre l’existence effective et les aspirations humaines.
Je pense à une phrase du site web de Jean Sur : « Faire changer le monde (…),
c’est changer soi-même de posture vis-à-vis de lui ».
Les communautés hippies d’il y a quelques décennies promouvaient l’oisiveté. Les
amopiens promeuvent la création de richesses, à commencer par celles nécessaires
à la survie des membres de la communauté. Puisque je compte m’intéresser de plus
près au projet amopien, je me demande comment la préoccupation de
Oisiveté-Indétermination-Lenteur peut y trouver place.
En écho aux écrits de Denis sur le travail, je place ici le début d’une fiction
restée en plan. (Note : pas pu remettre la main dessus, mais ça viendra…)
39- J’écris cet après-midi ensoleillé depuis le lieu exact où vers quinze ou
seize ans j’ai ressenti pour la première fois ma propension à une existence
autre que sédentaire. Sous une lumière qui m’était jusqu’alors totalement
inconnue, j’y avais croisé une communauté de manouches alors que je pilotais un
engin agricole, sans doute pour la première fois en responsabilité de ce
pilotage sur une distance que j’estimais très élevée. Je me souviens que la
trace du choc ressenti ne s’estompa que très lentement.
40- Cette fois, c’est aux côtés de notre vieille mère que je reprends le fil.
Depuis des années, elle ne cesse de répéter qu’elle a trop travaillé durant sa
vie, que son désir d’études fut contrecarré par son père qui la voulait trayant
les vaches matin et soir, que sa vie de femme mariée, aussi, fut surtout une vie
de travail à n’en plus finir, ponctuée de quelques rares voyages, etc. (sans
aucune année sabbatique, naturellement, car la société des vaches ne tolère
guère ce genre de fantaisie …)
Je me souviens de sa profonde douleur lorsque, il y a plus d’une dizaine
d’années, elle ne fut plus en mesure d’assurer la cuisine, oisive par
obligation. Désormais, c’est la misérable – ce me semble – oisiveté des humains
en fin de vie qu’elle connaît, contrainte de s’y faire.
41- Tous les sept ans, une année de rupture obligatoire d’avec le travail me
semblerait une médication bien plus efficace contre la mythologie du travail que
ne peuvent l’être les trente cinq heures à la française. Meilleure médication
aussi, probablement, contre la floraison de formes maladives de pouvoir dans les
entreprises. Meilleure médication contre les maladies tout court…
42- Rencontre avec Philippe. Parlant de l’enserrement des consciences dans les
filets du crédit, il exemplifie à mes yeux la phrase « l’on ne peut gouverner
que par l’exploitation de la peur » qui, je crois, se trouve dans Mein Kampf.
43- Phrase de Sylvie – « L’humain supporte aujourd’hui les pires nuisances :
misère, pollutions, abrutissement, mais en veut à son voisin de faire de la
musique. » (J’entends d’ici le voisin : « Demain je travaille, MOI ! »)
44- L’homme n’a pas d’abord à être utile ; il n’a pas à accepter que quiconque
le considère d’abord comme outil de production.
A vrai dire, vulgarité absolue, même, que de « gagner sa croûte » ! A quoi me
rétorque Gandhi, comme tant d’autres : « Tout le monde a également le droit de
gagner sa vie par son travail ».
A la question « Qui es-tu ? », la réponse spontanée courante est « Je fais ci,
ou je fais ça ; je travaille comme ci, ou comme ça » : la fonction de travail
vous colle aux papiers d’identité. Je me rappelle ma gêne, les premières fois où
je fus chômeur. Quand, plus tard, à la question « Comment tu vis ? » je
répondais « Je ne vis pas », ça laissait mon questionneur sur sa faim. Mieux
vaut sans doute répondre « Je suis mort (socialement s’entend), ce qui me permet
de faire ce que je veux ; pas comme toi qui es vivant (dans un camp de travail –
dont les grilles sont ouvertes, au demeurant). »
45- Servant, collabo stipendié, génuflecteur, quel substantif substituer au mot
salarié ? Les situations de travail sont merdiques dans la majorité des cas, me
semble-t-il. Qu’arriverait-il si elles étaient deux fois plus merdiques ? Quel
est le degré moyen de tolérance ?
46- Travailler pour de l’argent ? Beurk ! Ce n’est certes pas avec de l’argent
que nous serons libres !
47- J’en reviens au projet d’Amopie : pour sortir des enchaînements
capitalistes, créer à petite échelle une autre forme d’économie. J’ai quelques
difficultés à entr’apercevoir de quelles productions, matérielles ou
immatérielles, seront celles des communautés espérées. D’autre part, ce que
n’inclut pas le projet – ou bien ai-je mal lu ? – c’est une contre-proposition
quant au reste de l’édifice capitaliste : la coalition dont nous supportons les
menées inclut certes le business, mais aussi les Etats, et puis les médias ; et
l’on devrait encore préciser, pour l’Etat par exemple : l’école, etc. Je
comprends bien qu’il est nécessaire de commencer par un bout, mais ce manque me
laisse sur ma faim.
48- J’évoque sommairement devant Jean-Yves les mots oisiveté, indétermination,
lenteur. Sa réaction : « l’inverse du productivisme, en somme ». Je lui dis mon
souci d’user le moins possible des mots – de ces gros mots – déjà chargés au
point qu’ils risquent de faire obstacle à un défrichage autonome.
49- J’évoque la même série devant Myriam : « mais ça conduit tout droit au
suicide, ça ! ». Je lui renvoie la balle : c’est l’inverse, à mon sens, qui est
plus producteur de désespoirs.
50- Je replonge parfois dans certains de mes écrits antérieurs qu’héberge mon
disque dur. Même si l’écrit présent m’insatisfait pas mal, je le préfère
pourtant à ceux où je flirtais avec l’énoncé de thèses personnelles. L’on
n’échappe jamais totalement à ce travers, je suppose, mais le moyen d’y échapper
ne coule pas de source. Comment écrire ?
51- « Agis comme si tu étais déjà libre » Hakim Bey – L’art du chaos – Ed.
Nautilus 2000 Est-ce que, par hasard, pour lui, ça voudrait dire : oisivement ?
Sans contrainte ? Sans stresser ?
52- Est-ce que l’état de stress (à distinguer de l’angoisse, je pense) ne
résulterait pas principalement de l’acceptation de contraintes de vitesse indues
? Sait-on identifier pour une personne donnée la vitesse qui lui est
supportable, dans l’enchaînement des tâches, par exemple ?
53- L’écriture de ce texte devrait constituer, dans les jours qui viennent, mon
occupation majeure. C’est ma tâche du moment, mon activité d’oisif, mon «
occupation » de moi-même, ce qui me permettra de remplir mon vide. Et, puisque
l’opportunité s’en présente, pourquoi ne déciderais-je pas de m’en abstenir,
c’est-à-dire de n’avoir rien à faire du tout durant quelques jours, de laisser
le vide emplir le temps, de me mettre en état de vacance (vacuité / vacance ?) ?
A y bien réfléchir, puisque d’autres activités d’importance différente sont tout
de même à mon programme, je reporte à plus tard la réalisation de ce projet. A
suivre…
54- A la fin de chaque paragraphe, je suis à sec : aucune chaîne – pour prendre
le vocabulaire du tissage – pour m’orienter. La métaphore du tricot a d’ailleurs
eu ma faveur la plupart du temps : parier sur le vide qu’est l’à venir à
l’instant de l’aider à advenir. Ceci étant, je me demande bien à quoi
ressemblera tout ça à l’heure du point final !… Autre question : à quel moment
considérer que ce que j’ai déjà élaboré peut être communiqué aux collaborateurs
que j’espère, et dont certains m’ont déjà manifesté leur intérêt de principe.
Pourquoi pas précisément maintenant, après ce 54 ? Autre question :
poursuivrai-je si les collaborateurs en question font la fine bouche ? Oui, ce
me semble, car je crois ne pas écrire avec le souci de la lecture qu’ils en
feront.
été 2006 hg