Célèbre ville alternative en plein Copenhague, Christiania est, de toutes les expériences sur lesquelles j’ai pu me renseigner, celle qui serait la moins éloignée de ce que j’espère – ne serait-ce qu’en raison de sa combativité.
Son peuplement l’a fait dénommer « Un Paradis pour les perdants».
Ça mérite le respect.
Et sa combativité tout autant.
Connue pour avoir été un havre pour les toxicomanes – ce qui veut donc dire aussi pour les dealers de drogue -, elle semble peiner dans la période actuelle à se sortir de cette histoire.
Son opposition à la folie ambiante ne l’a pas empêchée de donner naissance à des réalisations intéressantes.
Je n’imagine pas une micro-ville sur ce modèle délibérément marginal, Qu’elle tende à être aussi un paradis pour les perdants, sera hautement souhaitable ; mais uniquement pour eux, ça, ça n’me conviendrait pas : c’est mettre la barre trop haut.
Oui, je sais, sauf exception, ne sommes-nous pas tous un peu des perdants ?
N’aurions-nous pas, en effet, préféré être plus satisfaits de ce que nous avons fait jusqu’à présent ? Nous sommes tous plus ou moins en défaut par rapport à nos espoirs, non ? Certains traversent une crise, d’autres la jugulent…
Ceux qui « vont bien » et ceux qui « ne vont pas bien » partagent ceci : on se ferme sur soi, Pas seulement pour ne pas donner aux autres, mais pour ne pas recevoir d’eux : ils sont dangereux !
Mais de là à ce que tous les habitants d’une micro-ville se désignent d’abord par ce trait de perdants, il y a un pas que je n’ai nulle envie de franchir.
Quel pourcentage maxi de gens « en difficulté reconnue » pourrait accueillir une micro-ville, même si sa fonction d’abri chaleureux devra être affirmée et entretenue ?
Il faut multiplier les havres pour ceux qu’a abandonnés l’espoir de vivre avec ne serait-ce qu’un peu de bonheur, et ça ne devrait pas être le propre des micro-villes !
Car la folie ambiante produit délibérément, et à la chaîne, des désastres personnels ; c’est insupportable.
Il n’est pas honorable de penser « révolution » en ne se préoccupant que des causes de cette folie, tout en se détournant en pratique de ces désastreuses conséquences !
Bien sûr, ce n’est pas en créant des institutions dites charitables qu’on prend la question comme il faut, Ça se saurait, depuis le temps que ces institutions existent, prolifèrent, et fructifient !
Ce qu’il faut : coupler le care – mot qu’utilisent avantageusement les anglo-saxons – d’une part avec la résistance active à la folie ambiante, et d’autre part avec la production inventive de manières radicalement différentes de vivre en société.
Ni le care, ni la résistance, ni la production inventive ne feront jamais l’affaire isolément.
Si les micro-villes n’avaient qu’un objectif, ce serait celui-là : expérimenter en vraie grandeur comment au sein d’une collectivité ces trois objectifs peuvent être visés en se renforçant mutuellement.
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