– Chère consœur, tu as demandé à me voir.
Que puis-je pour toi ?
– Il y a, dans notre métier, une fonction que nous savons plus ou moins bien pratiquer : écouter nos patients, afin de les aider.
Eh bien, figure-toi que j’ai besoin de parler.
Et toi, tu es connu pour savoir écouter.
(…)
– Un tiers de mes patients – disons un bon quart d’entre eux – explique son trouble.
Chacun à sa manière. Et cela ne fait qu’accroître le mien. Je n’ai jamais su faire la sourde oreille.
J’ignore comment, toi, tu vis cette mise au pas de notre métier.
– (silence)
– Contraindre n’a jamais fait partie de l’idéal au nom duquel j’exerce cette profession.
Or nous voici transformés en agents d’une autorité dont nous ne dépendons pas. Dont nous ne dépendons pas, en tout cas, pour notre pratique individuelle.
– Sauf si l’Ordre intervient.
– Pour nous apporter un éclairage déontologique, comme le dit la charte ?
Mais ce n’est pas de ça qu’il s’agit, hélas.
– Nous n’en sommes tout de même pas à contraindre nos patients !
– Non, pour le moment, nous n’en sommes pas là.
Notre article 36 nous l’interdit, de toute façon.
Mais crois-tu vraiment l’Ordre capable de résister aux pressions ?
– Elles peuvent être immenses, c’est vrai.
– Le 2 décembre – je m’en souviens très bien, car cette date est célèbre par ailleurs -, donc bien avant que l’on sache vraiment ce que seraient ces vaccins, ce jour où l’Ordre s’est engagé en notre nom, il m’est venu un pressentiment. Un très mauvais pressentiment.
(silence)
Ça fait pas mal de temps que des maladies d’un nouveau type nous tombent dessus.
– Disons, depuis les années 80, oui, c’est vrai.
– Et pas beaucoup de vaccins depuis tout ce temps.
Or voilà que, tout d’un coup : hop ! Magie…
Étais-tu déjà informé, toi, de ces vaccins à ARNmessager ? ou de ceux à thérapie génique ?
Moi pas, je l’avoue.
– Un confrère, qui suivait ça, m’en avait touché deux mots.
Il suivait l’information dans ‘Prescrire’ depuis plus de 20 ans, paraît-il.
– Et nous voyons l’Ordre s’en enthousiasmer d’avance ! Sans s’encombrer de cautions scientifiques !
– (silence) Tu es connue pour être peu favorable aux vaccins !
– Oui. C’est peu de le dire. Je n’ai jamais vacciné qu’à contrecœur.
– Je comprends donc ton souci actuel.
– Eh bien, il est d’un autre ordre, cette fois.
(silence)
Depuis des mois, je peine à faire comprendre à mes proches pourquoi, cette fois, si je m’oppose à ces vaccins, c’est en raison des conditions où l’affaire est engagée.
Oui, cette fois, ce ne sera pas pour mes raisons habituelles.
(silence)
Si j’ai besoin d’en parler en confiance, c’est que je peine à y voir clair moi-même.
(silence)
Je nous crois engagés dans une drôle d’aventure.
Une mauvaise intuition ne me quitte plus depuis des mois.
– De ta part, qui te revendiques toujours si rationnelle, tu comprendras que ça m’étonne.
– Oui, je laisse mon mental au repos, cette fois. C’est bien un pressentiment qui me guide.
Le reste, les dangers de tout vaccin, les préventions concernant ces vaccins-ci, tout ça est passé au second plan.
(silence)
Tu sais quoi ? ça sent mauvais.
– J’ai du mal à te suivre.
– Eh bien, ne cherche tout simplement pas à me suivre.
Je suis venue pour être écoutée, pas pour être comprise.
Je doute d’ailleurs fortement d’être comprise par quiconque.
Même par les antivaccins que je connais.
– Tu m’intrigues au plus haut point.
– (silence prolongé)
– Ne préférerais-tu pas revenir demain ?
Je m’organiserai pour avoir tout mon temps.
Viens vers 18 heures, si ça te convient.
*
Elle n’est pas revenue.
Ça arrive, des patients qui ne donnent pas suite…
Toujours en proie au trouble,
elle a préféré rouvrir un vieux journal intime.
(à venir)
Début d’un brouillon de scénario en cours – 11 juillet 21