toute diffusion d’informations #2
Ce billet de Mary.G est une bonne occasion pour clarifier notre déclaration qui peut sembler excessive ou, à tout le moins, bizarre :
« Toute diffusion d’informations n’est-elle pas désinformation ? Par nature et par destination. ».
L’un des résultats paradoxaux de cette déclaration est que je suis amené à l’expliquer, ici, à propos d’un article de Basta! que j’ai bigrement apprécié.
Surtout parce qu’il éclaire un champ rarement exploré : les relations compliquées entre les valeurs mises en avant et leur mise en pratique.
Le champ du solidaire alternatif est truffé – j’ose l’affirmer – de situations où les meilleures intentions peuvent se noyer, parfois définitivement.
Si l’on est pris dans ce genre de maelstrom, il est difficile de voir clair car l’info manque.
D’où, pour moi, l’intérêt de l’article.
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Voir, au sujet de cet article de Basta! ces deux commentaires qui ne vont pas dans mon sens, même si je les trouve pertinents.
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Toute diffusion d’informations n’est-elle pas désinformation ? Par nature et par destination.
Par Nature
Une information, comme toute proposition langagière, résulte d’un prélèvement au sein du réel.
En produisant une information, je prélève quelques tranches sur le jambon, lequel n’est lui-même qu’une partie de l’animal sacrifié.
Si j’écris un article, je dispose de divers matériaux que j’ai pu prélever d’une manière ou d’une autre (j’en dis en général le moins possible) sur une réalité – le jambon – qui les dépasse de toutes parts, et j’en choisis certains pour bâtir mon texte.
Je mets en œuvre une intention.
Puis, ma manière de rédiger apportera une inévitable « couleur ».
Plus important encore : il y a, autour de l’info, une énorme « enveloppe » – soit l’animal entier.
Elle est constituée de divers ingrédients :
– tout ce sans quoi un étranger ne peut rien comprendre à ce que j’exprime dans l’info elle-même,
– le non dit au sujet de mon contexte personnel (classique : le lecteur ignore tout de mon « niveau de vie », de mes revenus, de qui je fréquente), et qui pourtant joue son rôle quant à l’information que je transmets,
– processus ayant conduit à produire l’info (tout produit livré au public – aliment, machine, etc.) n’a-t-il pas sa part d’ombre que le destinataire ne peut/doit pas connaître ?)
– etc.
Pour recourir à une analogie non-charcutière, j’évoque la dernière (la der-de-der !) séance de photos de vacances à laquelle j’ai été soumis. Mon ami y montra ses photos, oui, mais il y ajouta oralement de multiples compléments …jusqu’à me saouler, et m’ennuyer profondément en me détaillant cette « enveloppe » !
Abstraction faite de ce type de fâcheux épisode, chacun sait que, devant une photo, nous devons nous demander ce qu’il y a …derrière. Eh bien, pourquoi serait-ce différent en ce qui concerne l' »enveloppe » d’un texte écrit ?
Autre analogie : que penserait-on d’un résultat scientifique dont le protocole de conception et de réalisation ne seraient pas publiés ?
Par destination
L’inévitable couleur évoquée plus haut découlera notamment du contexte dans lequel je compte diffuser mon écrit, c’est-à-dire d’une intention de niveau 2.
Car, que ce soit pour être raccord avec ce contexte, pour le bousculer ou pour en dire ma haine, je fais des choix.
Le moment où je le diffuse peut également avoir, tant pour moi que pour le destinataire potentiel, un certain poids.
Voilà brièvement une grille pour lire attentivement l’article de Basta! signalé par Mary.G, …comme toute autre info.
Histoire d’être plus concret, je compte analyser de cette façon l’un des billets de notre desinfo.info.
Mais je compte mener d’abord cette opération sur une autre source d’infos : les « Décodeurs » de leur Monde (c’est fait). Ce sera l’occasion de mettre un premier pied dans la nébuleuse des « nettoyeurs » quant à la désinformation ; il faut bien commencer par un bout…
Il n’y a sans doute pas grand’chose d’original dans ce que je viens d’écrire, mais ça ne fait pas de mal de le rappeler, il me semble.
Histoire de remettre les pendules à l’heure, le jour où l’on serait tenté de vouloir délivrer – voire proférer – une quelconque »vérité ».
Mais surtout pour manifester que l’intelligence humaine ne produit que des « infos » à prendre avec des pincettes. Et c’est sa grandeur, si on la compare à l’intelligence « artificelle », dopée à l’intelligence humaine et qui prétend l’optimiser en l’atrophiant.
Prudemment, notre énoncé « Toute information n’est-elle pas désinformation ? Par nature et par destination. » se fait sous forme interrogative, histoire de (tenter de) ne rien proférer du tout !
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Précision importante : en ce qui concerne la « désinformation », qui est en ce moment l’un de nos champs d’exploration, nous n’hésitons pas à sortir de ce que véhicule étroitement ce mot, au sens où il est le plus abondamment en usage actuellement.
Grosso modo, selon cet usage, il concerne (si je ne m’abuse)
– un univers : les médias (dont les médias sociaux prioritairement)
– deux domaines majeurs : les intérêts des États, et les batailles d’opinion.
Il désigne une malinformation (mauvais + malin) aux yeux de ceux qui la dénoncent.
Or la désinformation en ce sens est à l’œuvre bien plus largement ! Et – peut-on supposer – depuis qu’existent des êtres parlants !
Sous ce vocable « désinformation », nous voulons explorer ici un champ extrêmement large, en évitant l’oriflamme vrai/faux cher aux nettoyeurs d’info, cousin de celui qui fut hissé par tant de clercs au nom de doctrines & dogmes.
Et sous ses divers aspects : types, genres, domaines, agents, méthodes, etc.
Toujours sous forme de billets, parfois très subjectifs, ou seulement évocateurs.
Ou burlesques à l’occasion.
Mais pas futiles…
Jamais pour formuler UNE thèse, en tout cas !