L’expérience est transmissible via les mots. S’en féliciter. Mais, au moment où l’on la fait, cette expérience, quelle est la part des mots ? Comment écouter G. ou D. ou J. ou Pierre ou Paul sans que les mots de la transmission – les leurs, les miens – soient déjà là ? Or, ces mots, nous en usons de manière archaïque aux dires d’Alfred Korzybski Une carte n‘est pas le territoire (autrement dit Un mot n’est pas ce qu’il représente). Pour Korzybski, nous avons derrière nous des siècles de formulations prélogiques qui se sont imposées comme étant LA vraie manière de voir le monde. Cette maladie s’observe à travers la confusion dans des langues indo-européennes entre les diverses acceptions du verbe ‘être’ :
– comme verbe auxiliaire (c’est fichu)
– comme le ‘est’ d’existence (je suis)
– comme le ‘est’ d’attribution (la rose est rouge)
– comme le ‘est’ d’identité (la rose est une fleur)
Selon lui, dire ‘la rose est rouge‘ est aberrant puisque l’on sait désormais qu’il ne s’agit là que d’une perception humaine ; la réalité est que la rose émet une radiation que nous percevons comme rouge, ce qui est radicalement différent.
Mais c’est surtout le ‘est’ d’identité que combat Korzybski, le rose de ‘la rose est rouge’.
L’identification apparaît comme quelque chose d’infectieux, car elle est transmise à l’enfant directement ou indirectement par les parents et les enseignants, par le mécanisme et la structure du langage, par les ‘habitudes de pensée’ établies et reçues en héritage, par ce qui règle l’orientation de l’existence, etc. Il existe aussi nombre d’hommes et de femmes qui font délibérément profession de répandre la maladie.
Comment en sortir ? Par une formation à la non-identité.
La formation à la non-identité exerce un effet thérapeutique chez les adultes(…) Avec les enfants, la formation à la non-identité est extrêmement simple.
J’ignore si le fil de cette réflexion, qui date de la première moitié du XXème siècle, est aujourd’hui interrompu, ou si j’ai quelque chance de me soumettre un jour à une telle formation.