Violence d’État

Sainte-Soline, 25 mars 2023

Le Monde
« Interrogé par CNews la veille des événements, Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, annonce que « les Français vont voir de nouvelles images extrêmement violentes, (…) nous verrons des images extrêmement dures » lors de la nouvelle manifestation des opposants au projet de mégabassine en cours de construction à Sainte-Soline.
Comment pouvait-il le savoir, s’il n’avait déjà arrêté le principe d’une confrontation plutôt que d’une désescalade ? »

L’Est Eclair
« Dès l’arrivée des cortèges, les gendarmes leur ont tiré dessus » à coups de grenades lacrymogènes, assourdissantes et explosives, affirme la LDH, évoquant aussi des tirs de LBD « depuis des quads », pratique proscrite. Lundi, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a démenti ce point avant de faire machine arrière, des images – dont une photo de l’AFP – lui donnant tort.

Article de Franck Johannès dans Leur Monde
Pour les non-abonnés, voici la fin de cet article :

Le docteur F. rappelle les pompiers.

« − Un pompier : Je viens d’avoir le SAMU sur place qui me dit, on n’envoie personne sur place, le point de regroupement des victimes est à l’église de Sainte-Soline, une fois qu’ils seront là-bas, l’engagement des moyens sera décidé.

− Le médecin : Écoutez, je pense que c’est une, que ce n’est pas, enfin, je pense que ce n’est pas opportun comme décision.

− Le pompier : Alors moi je suis ni décideur, ni…

− Le médecin : Attendez, attendez. Mais moi je vais vous expliquer. Moi, je suis médecin et en fait, là, il y a des observateurs de la LDH, la Ligue des droits de l’homme qui sont sur place, qui disent que c’est calme depuis une demi-heure. Donc en fait, vous pouvez intervenir et moi, mon évaluation à distance avec des éléments parcellaires que j’ai, c’est qu’il faut une évacuation immédiate.

− Le pompier : Je vais vous repasser le SAMU. Ne quittez pas. (…)

− Le SAMU : Allo, oui le SAMU, bonjour.

− Le médecin : Oui, c’est vous que j’ai eu tout à l’heure au téléphone ?

− Le SAMU : Oui.

− Le médecin : Super. Vous en êtes où, là, de la plus grosse urgence absolue de ce que j’ai comme impression, moi, de loin ?

− Le SAMU : Alors déjà le problème, c’est que vous n’êtes pas sur place, donc c’est un peu compliqué. On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation, c’est qu’on n’enverra pas d’hélico ou de SMUR sur place, parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre.

− Le médecin : OK, est-ce que… Alors moi je suis avec des observateurs de la Ligue des droits de l’homme qui disent que leurs observateurs sur place disent que c’est calme depuis trente minutes et qu’il est possible d’intervenir ?

− Le SAMU : Je suis d’accord avec vous, vous n’êtes pas le premier à nous le dire. Le problème, c’est que c’est à l’appréciation des forces de l’ordre dès qu’on est sous un commandement, qui n’est pas nous.

− Le médecin : D’accord.

− Le SAMU : Donc, pour l’instant, on attend de rassembler les victimes au niveau de l’église de Sainte-Soline, c’est ce qui est en train d’être fait, avec des moyens pompiers qui se déplacent sur site pour prendre en charge et ramener. Pour l’instant, pas de moyens de SMUR ou d’hélico qui peuvent se pointer sur place.

− Le médecin : La LDH me dit qu’il y a des médecins militaires qui viennent d’arriver sur place. Est-ce que vous avez cette information vous aussi ou pas ?

− Le SAMU : Les médecins militaires, ils sont là pour les forces de l’ordre. C’est leur service de médecine pour les forces de l’ordre.

− Le médecin : La Ligue des droits de l’homme a demandé s’il y avait un contact au niveau du commandement à transmettre pour qu’on puisse intervenir ?

− Le SAMU : Négatif, négatif.

− Le médecin : Est-ce que vous voulez que je vous passe la Ligue des droits de l’homme ?

− Le SAMU : Non plus. On gère les victimes pour l’instant et les secours, j’aurais pas le temps d’aller…

« On n’a pas l’autorisation »

− Le médecin : D’accord, d’accord, je veux juste faire accélérer le truc.

− Le SAMU : Il faut qu’ils fassent le point, dans ce cas il faut qu’ils contactent la préfecture.

− L’avocate de la LDH Chloé Saynac : Vous avez interdiction d’intervenir ? Vous confirmez que vous avez interdiction d’intervenir ?

− Le SAMU : On n’a pas l’autorisation d’envoyer des secours sur place, parce que c’est considéré comme étant dangereux sur place.

− L’avocate : Et si vous n’y allez pas, ce ne serait pas une non-assistance à personne en danger ?

− Le SAMU : Nous devons avoir nos secours en sécurité également, malheureusement on n’a pas l’autorisation de les envoyer comme ça.

− L’avocate : Vous n’avez pas l’autorisation des forces de l’ordre ? Ou de ?

− Le SAMU : On n’a pas l’autorisation de toutes les institutions sur place, pour l’instant, on est sous leur commandement.

− L’avocate : Quelles institutions du coup ? On a besoin d’analyser très clairement parce qu’il y a quelqu’un qui peut décéder, donc pour que les responsabilités soient établies on a besoin de savoir.

− Le SAMU : On fait au mieux, mais malheureusement, il y en a d’autres…

− L’avocate : Qui interdit l’accès à ces personnes en danger grave, vital ?

− Le médecin : Et donc vous confirmez que c’est la préfecture qui a interdit l’accès ? C’est ça, en fait ?

− Le SAMU : Non, c’est pas la préfecture qui interdit l’accès, je vous dis que c’est le commandement sur place.

« On ne peut pas faire plus »

− Le médecin : OK. Comment on fait pour contacter le commandement sur place ?

− Le SAMU : Ben, il faut passer par la préfecture. Je ne peux pas vous les passer directement.

− Le médecin : OK. Est-ce qu’on peut faire le 17 ? On peut avoir le commandement sur place ? Vous croyez ?

− L’avocate : Et c’est quoi, vous, votre contact avec eux ?

− Le SAMU : Nous, malheureusement, le SAMU, on est juste là, en fait on nous demande d’envoyer des moyens qu’on envoie à des points donnés, on ne peut pas faire plus.

− L’avocate : Je sais bien, je comprends, mais on essaie de vous permettre de travailler là, parce que vous êtes empêchés de travailler.

– Le SAMU : Oui, oui, mais du coup, on monopolise une ligne une urgence. Merci beaucoup, au revoir. »

Le SAMU 79 a indiqué sur Twitter : « La justice fera son travail, et nous nous mettrons à leur disposition pour leur donner l’ensemble des informations nécessaires comme nous le faisons dans chaque enquête. »

A propos de cet enregistrement, leur Figaro parle de manipulation de l’information.

Mais, quelques jours plus tard, leur Monde complètera l’article ci-dessus par une enquête vidéo accusatrice de 8 minutes.

La Ligue des Droits de l’Homme rapporte ceci :
« Le dispositif a mis gravement en danger l’ensemble des personnes présentes sur place, occasionnant de très nombreuses blessures souvent graves allant même jusqu’à plusieurs urgences absolues.
Lorsque les élu-e-s ont fait une chaîne humaine autour des blessé-e-s pour les protéger et permettre leur évacuation, des tirs de grenades lacrymogènes ont été observés dans leur direction, les contraignant à reculer.
À ce moment, en contradiction avec ce que prétend la préfète des Deux-Sèvres, rien ne justifiait l’utilisation de la force à l’encontre de ces personnes. »

Légal ? Légitime ? Effrayant !

Extraits d’un autre témoignage :

« Dans un monde raisonnable, avec un gouvernement modéré, cette manifestation aurait dû être ce qu’elle est. Il y aurait eu quelques forces de l’ordre pour sécuriser, mais rien de plus, les gens auraient sorti leurs pancartes, leur chant, ils auraient pété quelques tuyaux, aurait mis hors service la pompe, et seraient repartis. 

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé, malgré leur artillerie, leurs fusils, leurs grenades, leurs blindés, leurs hélicos, malgré leur violence aveugle, un tuyau a bien été pété et la pompe mise hors service, il faut le dire cela, c’est une victoire, ils ont perdu. Ils ont perdu, vous entendez ? 

Leur défaite à un coût cependant, pas seulement celui de l’humiliation de ne pas avoir réussi à protéger leur trou noir, malgré leurs milliers de gendarmes vendus, mais celui d’avoir réussi à tisser entre nous un lien indéfectible, à faire éclore le courage. 

Parce que durant cette longue marche à travers les chemins, les champs, il y a quelque chose qui a circulé entre nous, que les images, les vidéos ne peuvent pas capter, il s’agit de chaleur humaine, il s’agit d’humanisme oui, n’ayons pas peur des mots interdits, les regards que nous échangions tous, les sourires, les main tendues pour traverser un ruisseau, le pain qu’on partage, les rires qu’on échange, les blagues, les bouts de chansons, les applaudissements qu’on se donne pour célébrer notre courage et enfin notre joie indescriptible à nous voir si nombreux, si divers, nous n’en revenions pas, parfois nous nous écartions du cortège pour mesurer sa taille, où est la fin, le début …  Cela nous semblait à chaque fois surréaliste, à travers ce paysage de terres industrielles, appauvries, nous étions le terreau d’un espoir exaltant. (…) Quelle que soit l’issue de cette manifestation, nous avions déjà gagné, de toutes façons. (…)

Il n’y a plus qu’un champ maintenant qui nous sépare de la bataille, on entend des cris, par-dessus les tirs, les copains nous raconteront plus tard que les gens hurlaient « médic médic, » de tous les côtés, ils raconteront les visages ensanglantés, les blessés laissaient sans soin volontairement … L’horreur. 

Moi je n’ai pas avancé. Je suis vieille maintenant vous savez et puis nous avions soudain basculé dans Mad Max. (…) Les rires se sont tus, et d’ailleurs le silence s’est fait quand des voltigeurs en quad nous ont encerclés, nous les faibles, les pas forts, les vieux, les handicapés, les enfants (…)

De toute façon on a gagné, même si Macron le veut pas, on a gagné.  

Je voudrai que quelqu’un lui dise à ce jeune homme entre la vie et la mort, qu’il l’entende dans son coma, je voudrai que ça lui parvienne au Vaillant, et à tous les autres blessés, merci du fond du cœur, pour votre courage, pour votre résistance à la Terreur, merci. (…) »

Voir aussi « Pendant tout ce temps où j’étais à Sainte-Soline, j’étais en enfer.« 

Et puis ceci : « La France ne sait pas faire sans ces armes de guerre.« 

Un militant se montre critique sur l’organisation de ce rassemblement : Quelques remarques à propos de la lutte contre les grandes bassines

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J’aime me poser des questions, et j’ai des convictions : les deux marchent de pair !

Mes billets, au jour le jour, s’ajoutent à pas mal de mes écrits anciens…

Aujourd’hui, je suis aussi l’éditeur de desinfo.

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