L’année Wuku/Pawukon dure 210 jours, se composant de 6 mois de 35 jours, composés de 5 semaines de chacune 7 jours : Minggu appelé aussi Ahad (Dimanche), Senin (Lundi), Selasa (Mardi), Rabu (Mercredi), Kamis (Jeudi), Jumat (Samedi), Sabtu (Samedi).
Le jeudi se dit donc Kamis.
Le 5ème jour du mois est Kamis Umanis,
12ème jour du mois : Kamis Pon,
19ème jour du mois : Kamis Kliwon,
26ème jour du mois : Kamis Paing,
33ème jour du mois : Kamis Wage,
Ainsi un jeudi n’est-il jamais seulement un jeudi, mais un Kamis d’une certaine espèce parmi les 5 possibles.
Et il y a aussi un mercredi Pon, un mardi Pon, un lundi Pon, etc.., comme il y a aussi un vendredi Umanis, un samedi Umanis, un dimanche Umanis, etc.
Bref, on n’est jamais seulement un « vendredi 13 décembre » mais aussi, comme ce fut le cas en 2019 par exemple, un vendredi Paing (par ailleurs sixième jour de la première semaine du mois de 30 jours – voir plus bas).
Selon le jour du mois balinais de 35 jours où vous êtes né, vous êtes supposé avoir un profil personnel, de même que si vous êtes né sous le signe des Gémeaux ou de la Vierge, par exemple ; sauf qu’il n’y a pas seulement 12 « signes », mais 35. Et ce ne sont pas les astres qui déterminent ce profil personnel balinais.
Voilà pour une première introduction aux calendriers balinais.
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Mais c’est bien plus complexe que ça.
Par exemple : on peut aussi bien considérer que ces 210 jours se composent de 30 semaines Wuku de 7 jours, sans aucune indication de mois.
Ces jours se nomment : Redite, Coma, Anggara, Buda, Wrespati, Sukra, Saniscara.
Et les semaines: Sinta, Landep, Ukir, Kulantir, Taulu, Gumbreg, Warriga, Warigadean, Julungwangi, Sungsang, Dungulan, Kuningan,Langkir, Medangsia, Pujut, Pahang, Krulut, Merakih, Tambir, Medangkungan, Matal, Uye, Menail, Prangbakat, Bala, Ugu, Wayang, Kelawu, Dukut, Watugunung.
Un autre cycle fait se succéder en boucle Wong, Sato, Mina, Manuk, Taru, Buku.
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Ça n’est pas tout !
Reprenons d’une tout autre manière, et oublions provisoirement le calendrier international qui nous a fait évoquer le 13/12/2019.
Un cycle de 210 jours se suffit à lui-même. Dans ce calendrier Pawukon, dire qu’on serait en telle ou telle année balinaise n’aurait aucun sens. Autrement dit, ce cycle n’est pas une énième année qui succéderait à la précédente, car ces cycles se succèdent sans s’ajouter les uns aux autres ; ainsi, contrairement aux années juive, musulmane, bouddhiste ou internationale par exemple, nous ne sommes pas en une année balinaise numérotée. Nous sommes, à un jour donné, quelque part au sein d’un cycle de 210 jours qui se reproduira l’an prochain, comme il s’est effectué l’an dernier, mais qui ne s’inscrit pas, pourrait-on dire, dans l’histoire.
Ce calendrier, qui ne chiffre ni les dates ni les années, organise l’essentiel des rites de la société balinaise.
En 2019, il a pris naissance la troisième semaine de mai pour finir la première semaine de décembre, puis à nouveau la seconde semaine du mois de décembre.
L’anthropologue Clifford C. Geertz a écrit que le calendrier balinais « découpe le temps en unités limitées non pas afin de les compter (…) mais pour les décrire et les préciser », afin de « formuler leur signification différente sur le plan social, sur le plan intellectuel et sur le plan religieux. »
Il n’y a pas que les semaines de 7 jours : il existe également des périodes plus courtes ou plus longues – de 5 jours ou de 10 jours par exemple – qui suivent leur cours en même temps que les mois et les semaines susnommés.
Nous avons bien, nous Occidentaux, l’habitude de vivre des mois de 28, 29, 30 ou 31 jours et, simultanément, des semaines de 7 jours. Ce n’est donc pas si compliqué à comprendre…
Les noms des jours des périodes de 5 jours sont : Umanis, Paing, Pon, Wage, Kluwon.
Par exemple, ce que nous disons être le vendredi 13 décembre 2019 était non seulement un vendredi Paing, mais aussi un jour Wong.
Les jours de la période de 3 jours : Pasah, G.tegeh, Kajeng.
Ceux de la période de 4 jours : Jaya, Menala, Sri, Laba.
Ceux de la période de 6 jours se nomment : Tungleh, Aryang, Urikiang, Paniron, Was, Maulu.
S’y ajoutent d’autres découpages du temps : des périodes de 9 jours, 8 jours, 2 jours et même des périodes de 1 jour ! Précision : cette semaine de 1 jour comporte en fait deux jours dont 1 ne porte pas de nom.
Chaque jour – bien loin d’être une date portant un vulgaire numéro – a donc de multiples sens que lui attribuent sa position dans chacune de ces périodes !
Dire « Nous sommes le vendredi 13/12/2019 » apparaît de ce fait un peu pauvret ! Ce 13 décembre 2019 était, certes, un vendredi Paing et aussi un jour Wong mais, en plus, un jour Kajeng de la période de 3 jours, un jour Laba de la période de 4 jours, un jour Maulu de la semaine de 6 jours, etc.
Les périodes les plus importantes sont celles de 3, 5 et 7 jours. Par exemple, le dernier jour de la semaine de 3 jours (Triwara) est jour de marché dans les villages.
Un jour important arrive quand le jour de fin d’un cycle coïncide avec le jour de fin d’un autre cycle. Il est particulièrement favorable à certaines activités (tel ou tel acte de la vie quotidienne – et il y en a tant !), à la divination, à tel rite de passage, ou bien il rend obligatoire l’organisation d’une cérémonie, mais parfois, au contraire, il n’est pas du tout recommandable…
Exemples.
La coïncidence d’un jour (Maulu) de fin d’un cycle de 5 jours avec le jour (Kajeng) de la fin d’un cycle de 3 jours – ce qui arrive tous les 15 jours – est jugée importante : c’est Kajeng Kliwon.
Le trinôme Boda-Ariang-Klion, lui, désigne le jour où l’on célèbre annuellement Galungan, la plus importante fête du cycle de 210 jours, à la conjonction de la fin de ce cycle avec les fins de cycles de 5 et de 7 jours : ce jour là, les ancêtres et toutes les divinités rendent visite aux vivants, et ceux-ci se voient donc réquisitionnés pour leur gloire. Les célébrations durent dix jours et se terminent le jour Kuningan.
Il peut aussi y avoir combinaison d’une période spécifique avec un jour spécifique, lui-même issu de la combinaison de deux dates remarquables dans des périodes différentes.
Par exemple, le couple Saniscara-Kliwon (période de 7 jours – période de 5 jours) se nomme Tumpek. Il y a 6 Tumpek dans le cycle de 210 jours. De la combinaison de ce jour et du nom d’une période donnée naîtra un autre nom de jour : par exemple, le jour où Tumpek arrive en période 7 (Wariga) est nommé Tumpek Uduh et est consacré à l’entretien des cocotiers.
L’occidentalisé consultant le calendrier s’interroge principalement sur « Où en sommes-nous de l’écoulement du temps ? », car les quatre caractéristiques d’une date (vendredi/13/12/2019) nous servent à nous situer dans le déroulement d’un temps radicalement unifié.
Le Balinais, lui, a un rapport au temps très différent. La nature du calcul du temps que facilitent ces calendriers n’est « pas fondée sur la durée : elle est ponctuelle.(…) On ne s’en sert pas pour mesurer à quelle vitesse le temps passe, ou la durée qui s’est écoulée depuis tel événement, ou ce qu’il reste pour terminer quelque projet ; ce mode de calcul est adapté et employé pour distinguer et classer des parties de temps discontinues, qui se suffisent à elles-mêmes – des ‘jours’. (…) Le résultat de tous ces calculs d’engrenage est une vision du temps consistant en séries ordonnées de 30, 35, 42 ou 210 unités quantiques (‘jours’), chacune de ces unités ayant une signification qualitative particulière de quelque sorte, indiquée par son nom basé sur un binôme ou un trinôme ; un peu comme la notion de malchance attachée au vendredi 13. » (C.C.Geertz)
Certaines veilles de jours importants sont importantes elles aussi, même si elles ne sont pas nommées en tant que telles : le risque d’être victime de magie noire peut, par exemple, augmenter ces jours-là.
À noter : Le calendrier javanais est de même type, mais l’une des différences d’avec le calendrier balinais est qu’il fait se succéder les cycles de 210 jours en un cycle de 8 années (Windu), puis ces cycles de 15 Windu en un cycle de 120 années (Kurup).
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Deux traits conduisent à rapprocher ce Pawukon du calendrier dit « des jardiniers » basé sur les mouvements de la lune, des planètes et des étoiles : il a, lui aussi, pour but de désigner des actes à effectuer tel jour, et lui aussi est fortement présent à l’esprit de ceux qui veulent suivre ses recommandations.
Il est même plus aigu que le Pawukon, car il va jusqu’à indiquer, non seulement les jours, mais aussi les plages horaires auxquelles il est bon, par exemple, de semer des carottes ou de se faire couper les cheveux.
Grande différence : le calendrier Pawukon ne semble pas particulièrement découler des mouvements dans le ciel.
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Et ça n’est encore pas tout !
S’en tenir au calendrier Pawukon serait s’arrêter en chemin, car il existe à Bali un autre calendrier tout aussi important, basé, lui, sur les mouvements de la lune et du soleil : Saka. Il définit une année de 12 mois lunaires (Sasih) de 30 jours. Ce calendrier, supposé avoir pris naissance en l’an 78 de notre ère, est également utilisé en Inde et au Pakistan.
De grande importance rituelle, la pleine lune (Purnama) arrive au 14 ou 15ème jour du Sasih : c’est un jour d’offrande à la déesse de la lune Dewi Candra.
Chaque Sasih porte un nom distinctif : Kasa, Karo, Ketiga, Kapat, Kelima, Kenem, Kepitu, Kaulu, Kesanga, Kedasa, Desta ou Jiyestha, Sada.
Comme l’année lunaire ne compte que 354-355 jours, la concordance avec l’année solaire est obtenue en ajoutant un mois tous les 3 ans.
Selon ce calendrier, ce vendredi 13 décembre 2019 était aussi, en complément de tout ce qui le caractérisait selon le calendrier Pawukon, un jour Cap It Gwe du mois Kenam.
Contrairement aux années du calendrier Pawukon, chaque année Saka comporte un numéro d’ordre, comme tant d’autres calendriers au monde : en 2019 du calendrier international, par exemple, c’est au mois de mars, que nous sommes passés de l’an Saka 1940 à l’an Saka 1941. Très exactement le 7 mars, lendemain de la nouvelle lune de l’équinoxe de printemps.
C’est dans ce calendrier Saka que prend place Nyepi, le nouvel an Balinais, le premier jour du mois Kedasa, commençant le matin à 6 heures pour se terminer le lendemain matin à 6 heures.
Et c’est ce même calendrier qui fixe la date de la plus grande de toutes les fêtes balinaises, qui a lieu tous les 100 ans.
C’est dire si Saka n’est pas du tout secondaire par rapport au calendrier Pawukon !
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L’interrogation d’un Balinais qui consulte son calendrier est la même que celle de tout humain consultant un calendrier : « Quel jour sommes-nous ? ».
Mais il ne s’agit donc pas seulement, pour lui, de savoir si c’est un jour où les enfants doivent se lever à temps pour aller à l’école, un jour de ramassage des ordures, un jour où une coupure d’électricité est annoncée, etc.
Il s’agit surtout de savoir dans quelle disposition sont les dieux ce jour-là : est-ce un jour où ils ont l’intention de venir visiter tel temple qui leur est dédié ? Est-ce un jour où les mauvais esprits potentiellement néfastes ont plus de facilité pour agir ? Est-ce un jour favorable pour faire ci ou faire ça ? Etc.
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Chaque personne apprend comment est le jour en question pour elle-même et pour sa famille ; il peut être différent de ce qu’il est pour une autre personne.
Et pour connaître le caractère d’un nouveau-né, l’on recherche, par exemple, ce qu’enseigne l’intersection des périodes de 5 jours et de 7 jours le jour de sa naissance. Il existerait donc 35 types de caractères balinais…
Un tableau croisant les jours du mois Saka de 30 jours avec la période Pawukon de 7 jours se trouve dans le commerce : il indique, par exemple, les 21 jours sur 210 qui sont indiqués pour un mariage.
En moyenne, dit-on, chaque personne est requise pour 7 cérémonies par mois, résultant de l’un ou de l’autre des deux calendriers, ou des deux. Bien sûr, cela a des conséquences sur l’activité professionnelle : les employeurs eux-mêmes doivent accepter que telle personne ne sera pas au travail tel ou tel jour ouvré.
15/12/2019
J’ai également aperçu une autre présentation des calendriers balinais.