Le micro-flacon de rouge que l’on me sert à table constitue un summum de traficotage verbal ! Bien sûr, c’est du ‘vin’, et même du ‘merlot’ : c’est écrit dessus. Mais cela n’a pas suffi au marketeur : c’est donc, en outre ‘Une note de Cerise noire, Fraise des bois et Fougère’, sans oublier les incontournables : ‘Le merlot est un cépage gouleyant et plaisant qui laisse une impression de rondeur et de soyeux’, ‘Au nez : des notes fruitées, associées à une gamme complexe de sous-bois et d’épices douces’, ‘En bouche : une attaque souple et aromatique, en harmonie avec les senteurs’.
Combien d’entre les dégustateurs de ce merlot pourraient lui trouver spontanément un goût de fougère !?!? C’est le 2+2=5 de 1984, non ? Si vous ne ressentez pas d’emblée tout ce florilège que vous apportent ces 18,7 cl du Monoprix, et qu’y ont – vous prétend-on – apprécié d’éventuels connaisseurs (hum !), c’est que vous êtes nul. Si, à force de vous la voir asséner, vous admettez votre nullité, vous devenez gouvernable par le bout du nez
Je crois que les mots de la marchandise, ceux de la politique, ceux des médias veulent d’abord et avant tout nous faire considérer que notre expérience personnelle c’est de la gnognotte ! Or, si le coquelicot oublie jusqu’à la couleur qui lui est si propre, avec quoi le recoquelicotera-t-on ?