Mieux maîtriser leur propre destin

école

« Dans la période où j’ai été professeur associé à l’université de Paris-Dauphine, (…) j’ai eu l’impression d’une usine à dispenser des cours. (…)
J’ai gardé, pour ma part, la nostalgie de mes passages dans les universités anglaises et américaines où, autour d’un professeur, on trouve une vingtaine d’étudiants qui vivent quasiment ensemble, dans un contexte de fertilisation croisée, en quelque sorte. »

« L’éducation a pour objet d’enseigner ce que l’humanité a appris sur elle-même. (…)
Pour permettre aux hommes et aux femmes de mieux maîtriser leur propre destin et, à travers la production, d’assumer les besoins de l’économie.
Mais aussi afin que chacun puisse mieux se connaître et, par conséquent, être mieux à même de faire face aux situations déstabilisantes qui peuvent se produire dans la vie privée, comme dans la vie professionnelle.
Enfin, l’éducation doit faire de chacun un être social, capable de comprendre les autres et le monde dans lequel il vit. »

« L’enseignement par alternance doit être réalisé à grande échelle dès le milieu du secondaire.
Mon expérience montre que les jeunes de quatorze ou quinze ans se croient beaucoup plus mûrs qu’ils ne le sont en réalité, en raison de phénomènes divers, comme l’évolution physiologique, les comportements familiaux et l’extension quantitative de la télévision.
Mais les études qui ont été faites montrent qu’il n’en est rien. (…)
Parallèlement aux études, le fait de pouvoir consacrer chaque semaine, ou un mois par an, du temps à une activité professionnelle sociale enrichirait les jeunes, leur permettrait de mieux se connaître et de tester leurs aptitudes. Ce serait aussi un moyen de lutter contre l’inégalité des chances, car beaucoup de ces enfants ne trouvent pas, dans leur milieu familial, le support et les conseils nécessaires.
C’est pourquoi j’ai toujours été opposé à cette aspiration constante vers le haut, comme si l’allongement de la durée des études et l’octroi du baccalauréat à 80 % d’une classe d’âge donnaient la garantie d’une meilleure égalité des chance et d’une formation mieux adaptée à notre temps.
En disant cela, je sais que je mets en cause bien des tabous de la société et des milieux de l’Éducation nationale, pas simplement chez les enseignants, mais aussi chez les parents !
Le risque actuel est que le baccalauréat perde toute qualité en tant que diplôme, que la plupart des parents se sentent contraints d’envoyer leurs enfants à l’université. Mais dans cette université de masse, où il est difficile de se mouvoir, beaucoup d’enfants sont en rupture complète et en situation d’échec.
« L’enseignement par alternance doit être réalisé à grande échelle dès le milieu du secondaire.
Mon expérience montre que les jeunes de quatorze ou quinze ans se croient beaucoup plus mûrs qu’ils ne le sont en réalité, en raison de phénomènes divers, comme l’évolution physiologique, les comportements familiaux et l’extension quantitative de la télévision.
Mais les études qui ont été faites montrent qu’il n’en est rien. (…)
Parallèlement aux études, le fait de pouvoir consacrer chaque semaine, ou un mois par an, du temps à une activité professionnelle sociale enrichirait les jeunes, leur permettrait de mieux se connaître et de tester leurs aptitudes. Ce serait aussi un moyen de lutter contre l’inégalité des chances, car beaucoup de ces enfants ne trouvent pas, dans leur milieu familial, le support et les conseils nécessaires.
C’est pourquoi j’ai toujours été opposé à cette aspiration constante vers le haut, comme si l’allongement de la durée des études et l’octroi du baccalauréat à 80 % d’une classe d’âge donnaient la garantie d’une meilleure égalité des chance et d’une formation mieux adaptée à notre temps.
En disant cela, je sais que je mets en cause bien des tabous de la société et des milieux de l’Éducation nationale, pas simplement chez les enseignants, mais aussi chez les parents !
Le risque actuel est que le baccalauréat perde toute qualité en tant que diplôme, que la plupart des parents se sentent contraints d’envoyer leurs enfants à l’université. Mais dans cette université de masse, où il est difficile de se mouvoir, beaucoup d’enfants sont en rupture complète et en situation d’échec.
Au bout du compte, cet échec constitue un obstacle supplémentaire à l’entrée dans la vie d’adulte et, bien entendu, dans le monde du travail. »

« Au terme de la formation initiale, je le répète, l’individu doit, en fonction de ses talents et de ses qualités, se sentir à l’aise dans la compréhension de l’environnement naturel et des actions menées pour le transformer.
Il doit mieux se comprendre, connaître ses forces et ses faiblesses, être capable de réagir à des situations imprévues et, en même temps, devenir un être social. Bien entendu, selon les individus, la pondération entre les trois peut varier, mais tout cela est fondamental et implique une réflexion sur le système éducatif en lui-même, en partant de ses origines, telles qu’elles avaient été conçues déjà par Aristote. »

« Il faut que l’université garde une parole libre, indépendante, que l’on puisse l’entendre – et pas seulement les professeurs qui ont la chance, ou l’astuce, de participer à une émission de télévision.
Même si elle devient une institution de masse, l’université doit garder son indépendance intellectuelle et exercer un certain magistère culturel et moral dans la société.
Partant, on retrouvera l’autorité du maître, celui qui a la noble mission d’enseigner, et donc d’aider à l’éclosion d’une personne. »

« (…) grâce à la confrontation entre l’Occident et l’Orient, pris dans leur sens le plus large, j’ai vu combien les deux conceptions du monde étaient différentes et aboutissaient à un clivage concernant les finalités même de l’éducation.
Notamment à tout ce qui a trait à la position de l’homme dans la nature et dans le monde, aux priorités que l’on attache à tel ou tel aspect de l’existence.
Cette coupure m’est apparue très forte.
Je ne vois pas pour l’instant comment la surmonter fin de proposer des orientations générales qui puissent être acceptées philosophiquement par les uns et par les autres? »

Jacques Delors – L’unité d’un homme (1994)

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