Traquenards

école

« Je ne suis pas fort sur les problèmes. Le soir, sous la lampe à pétrole que ma mère monte au plus haut pour que j’y voie mieux, je m’étourdis la tête, je m’aigris le sang à essayer de résoudre les traquenards mathématiques où les temps et les distances jouent à colin-maillard. Je n’en viens pas toujours à bout,surtout l’année des bourses. Et quand mes larmes commencent à tomber sur le papier, délayant l’encre violette, l’arithmétique se refuse de plus en plus, les calculs deviennent aberrants, les virgules chassent à droite ou à gauche, les totaux sont si stupéfiants…
Personne autour de moi ne peut l’aider. Mon père jure dans sa moustache, ma mère accuse les instituteurs de cruauté, se trompe de maille dans son tricot. Et mon grand-père Alain Le Goff s’essuie les yeux avec le dos de la main. Il est encore plus malheureux que moi.
‘Mettez-leur quand même quelque chose, dit-il. Peut-être que vous tomberez juste.’
Je ne tombe jamais juste que lorsque je n’ai pas à pleurer. »

Pierre-Jakez Helias – Le cheval d’orgueil

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