Premier métier de l’humanité après celui de putain, cuisinier n’est plus un métier c’est un sacerdoce.

La maîtrise de l’agriculture représente une révolution majeure de notre espèce, des autres aussi.
On ne maîtrise plus rien du tout.
On crève en mangeant, on fait crever en mangeant, on ne mange plus que de la nourriture crevée.

Après la nouvelle cuisine, la gastronomie, la street food, la bistronomie, la junk-food, le véganisme, la Paléo food, rien, la crèvonomie et le business food.
On ne nourrit plus le monde, le monde nous nourrit, on croque à pleines dents.
On dévore.
On dégueule, mais on ne laissera rien.
Rien, toujours rien.

Va t’en faire à bouffer, toi, avec rien.
Et pourquoi pas ? Peut-être que oui finalement faire avec rien.
À la benne les Vorwerk, les Pacojet, les robots-coupe, les fours mixtes au degré près, les siphons.
N’utilisons qu’un feu de bois et un couteau d’acier.
À la benne bien sûr, les yuzu, les fraises de Noël, les lécithines machin, les protéines bidule, les gaz comme ci, les prouts comme ça.

Paranoïa permanente.
Il n’y a plus rien à manger de toute façon.
L’agriculture, reflet terrible de la cuisine et de l’humanité désœuvrée, ne fait plus que de la gestion pathologique de premier degré.

Fongicide X contre le champignon Z, insecticide Y contre les papillons¥, herbicide $ contre le chiendent…
on va arracher les haies, les arbres, toutes zones végétales qui abritent de terrifiants «ravageurs» et qui ne sont de toutes façons que des «invasifs».
On va immensifier les parcelles pour les ultras mécaniser, détruire toutes vies présentes dans les sols pour apporter au gramme près les apports nécessaires à la croissance d’une graine inféconde et ainsi faire croître une plante morte qui produira de manière insolente ce pour quoi elle a était programmée.
Je n’arrive même pas à évoquer le monde de l’élevage animal.

Au bout du compte, ce que je retiens moi de cette «évolution», c’est la disparition des oiseaux, des insectes, des reptiles, de tout.
C’est des champs de blés ridicules d’alignement qui se vautrent au sol au premier coup de vent et qui nous donnent du pain qui n’en est plus un.
C’est les rivières qui ne permettent plus de manger la pêche, tellement elles sont polluées.
C’est la disparition aussi des ouvriers agricoles.
La prise de conscience est nauséeuse.
Que faire devant ce tas de cadavres qui nous sert de nourriture.
Heureusement de nombreuses personnes sont impliquées dans la recherche de solutions, et elles existent, même si leur mise en application est rendue compliquée par le fonctionnement de notre société.
Je ne veux plus faire de concessions en cuisine, je ne peux plus participer à ce massacre collectif.
Alors que faire ? N’utilisons que notre propre production ou celle de nos voisins les plus proches examinés à la loupe.
Réévaluons nos besoins.
Pour cuisiner il faut des ingrédients et de la cuisson, n’en déplaise aux crudivores

« La Poule Grasse » est née de cette réflexion.
Ici nous disposons d’une surface d’environ 30 ares, moins de la moitié d’un terrain de football.
Sur ce terrain nous pouvons déjà générer de nombreuses cultures fruitières et maraîchères.
Nous pouvons aussi faire vivre une basse-cour suffisante et imaginer quelques rares récoltes aquatiques par l’aménagement de différents bassins alimentés par les eaux de pluie.
Par ailleurs il est simple de trouver des volontaires pour la mise à disposition de terrain broussailleux pour y installer porcs et moutons, chèvres ou ânes.
Nous avons donc les ingrédients.
Pour la cuisson, j’ai la chance d’être voisin de l’entreprise Fayolle, à Tain-l’Hermitage, qui fabrique depuis la moitié du 19e des fours à base de terre puisée sur mon territoire, le Kaolin.
Notre kaolin produit de superbes dalles réfractaire et le modèle du four est savamment réfléchi et pertinent avec ma démarche.

J’ai choisi le four à bois.
Évidence technique et éthique, ce four devient vite la pièce maîtresse de notre projet.
En cuisine il me galvanise, m’amène à de nouvelles possibilités, et à la ferme m’offre de nombreux services inenvisagés.
Il est beau.
Je le regarde souvent, même éteint, inerte mais invitant la plus vive combustion.
Symbolique du vagin, le four m’excite à l’image de l’adolescent émoustillé au catalogue.
Alors je l’allume d’une étincelle qui le fera rugir de mille flammes, porte grande ouverte et donnant le rouge aux joues.
Enfin je replace la buche et laisse l’effusion d’énergie faire son ouvrage.
Le feu, la pierre, la fonte, le verre et l’inertie.
Inertie : Tendance à conserver sa vitesse : en l’absence d’influence extérieure, tout corps ponctuel perdure dans un mouvement rectiligne uniforme.

Tiens, tu as vu ? L’arbre, il a bougé !
Oui, il y a du vent…

Je vous propose ici une cuisine de l’essentiel.
Une cuisine qui se construit par l’observation de la nature.
Les ingrédients ne sont pas choisis pour correspondre au diktat d’une savante recette, ils se sont imposés par leur simple présence au potager.

Cuit, cuit, cuit,
chante mon rôti.

Je vous présenterai donc mes expérimentations au cours de la première année de mise en service du four.
Une année divisée en 12 menus, entrée, plat, dessert, correspondant aux 12 mois de l’année


Exp 1/12 : août

  • salade de tomates fraîches et sèches, caillé du matin, crumble parmesan basilic, poudre d’olives noires.
  • dos de thon blanc méditerranéen, huile vierge à la framboise, haricots coco, ratatouille.
  • mousse de yaourt et fruits.

On est le 18 août, il est 8 heures quand on va chez Philippe, un bon voisin, pour lui acheter du lait.
J’aime bien ses vaches, quand elles sont à la traite, elle appuient leur tête contre le mur et, là, leur regard se perd dans un mi sommeil.
Là, on voit la quiétude de l’animal, en totale confiance avec son environnement, son éleveur, et même avec nous, étranges visiteurs.
Je me dis que ce lait vient du pays des songes bovins où l’éleveur serait le marchand de sable.

Je lui en prends 5 litres, et retourne auprès de mon four.
Il est encore éteint et plein des réalisations de la veille.
Je sors ainsi des tomates mises à sécher à moins de 70° c pour la nuit, tout comme un poivron rouge, des olives noires, des prunes, des poires, des figues, des noisettes.
Je sors aussi le litre de yaourt que j’ai laissé fermenter la nuit.
J’allume le four afin de profiter des chaleurs douces d’un foyer naissant.
Devant la porte du four je dispose un bac où le lait se retrouve mélangé à du petit lait et à un peu de présure.
Le tenant entre 35°c et 50°c, le lait se transforme au bout d’une demi-heure en caillé.
il me faut encore le décailler avant de le mettre à égoutter dans de vieilles faisselles en terre cuite.
J’aurai tout aussi bien pu mettre mon fromage à égoutter dans un torchon mais je suis trop content de pouvoir utiliser un outil qui à franchi des époques de perdition de culture culinaire et paysanne.
Outil qui m’a été offert avant que l’on ne le mène à la déchetterie.

Pendant que le lait se caille, je vérifie mes séchages.
Les noisettes d’abord.
Ce sont des noisettes sauvages qui ont été ramassées avant-hier, soit mi-août, donc elles ne sont pas encore complètement mûres.
j’adore ça les noisettes fraîches, leur goût est très différent des noisettes sèches et matures.
L’arbre pousse à sa guise entouré de plein d’autres arbres et personne ne s’en occupe jamais, à part ma trogne qui la soulage d’une poignée de fruits prématures.
Ces noisettes en réalité on ne peut guère que les manger fraîches sinon quelqu’un d’autre le fera à votre place.
Déjà, là, on verra bien combien sont encore vierges de tout parasite.
L’idée c’est de pouvoir grâce au four récolter ses noisettes fraîches et les faire sécher rapidement mais sans les cuire : ainsi on pourrait avoir un produit consommable au moins deux mois après cueillette et un produit qui en plus apporte un intérêt tout particulier quand à ses propriétés organoleptiques, diététiques, exetera.
Test concluant puisque seulement quelques-unes étaient habitées et que le résultat nous donne des petits fruits un peu rabougris au goût de noisettes fraîches accentué.
Sinon on a les poires, ce sont des guyots que j’ai ramassé dans un verger en friche depuis des années.
Là c’était la fête aux asticots.
Tous les trognons étaient pris.
Après un triage régulier qui a ravi mes poules, on se retrouve tout de même avec de très beaux quartiers de poires et une fois séchés au four ils deviennent addictifs en bouche.
On a aussi les prunes magnifiques concurrentes de beauté aux pêches, aux couleurs éclatantes.

Dans un poêlon, les olives noires de Nyons ont perdu leur humidité, je les hacherai pour en faire un assaisonnement puissant.
À côté se trouve un poivron rouge épluché, épépiné et mis en boule, il imitera le paprika.
Un autre poivron, jaune celui-là, a été séché à plat, nous offrant une feuille de poivron transparent aux couleurs d’ambre.
Des tomates cerises ont aussi passé la nuit au chaud.
Je les mets dans de l’eau pour les réhydrater avant de pouvoir les éplucher et les mettre à mariner dans de l’huile d’olive.

Dans un bocal de 1,5L se trouve le yaourt.
Il est top, hyper crémeux en surface, il sent le yaourt, trop bien.

Je recentre ma concentration sur le four.
Allumer un four pour un menu c’est poser un tempo, il faut se caler sur le bit et dérouler.
Bien réfléchir avant à ce que l’on veut réaliser, tout mettre en cadence et improviser sur le rythme posé par la combustion.
On se laisse porter par la musique et c’est parti.À midi je ferai une salade de tomates, elles sont au meilleur d’elles mêmes.
Mes variétés sont toutes issus de croisements : en effet je récupère les graines de mes plus belles tomates d’année en année.
Dès la première récolte de semence, les croisements sont là, bien sûr je pourrais essayer de préserver telle ou telle race mais, malgré tout, je préfère que les insectes s’amusent, qu’ils se prennent pour dieu, pour des savants fous.
Que dans leur boulimie, ils opèrent à leur insu, ou peut-être pas, à l’acte sexué qui dirigera les saveurs de mon potager.
J’espère en secret que de cette incroyable partouze se conclura par une variété uniforme et succulente de mes tomates….

Bref je vais faire une salade de tomates.
Mes tomates crues et pelées à vif (soit pour vérifier leur maturité, car une tomate mûre se pèle facilement à cru, soit pour éliminer la légère nécrose due à une attaque de punaises) sont assaisonnée par mes tomates cerises déshydratés-réhydratés, je les dispose joliment dans l’assiette.
Je parsème sur mes tomates la poudre d’olive noire séchée, un peu de basilic, quelques morceaux de crumble et mon caillé du matin.
Un peu de sel, poivre du moulin, on a l’entrée.

Le dos de thon blanc méditerranéen,

Le thon, c’est bon.
En été le poisson star, c’est le thon et le thon blanc, c’est excellent ! Le thon blanc, thon Germon.
Un poisson qui ne se pêche que le printemps-été.
Celui-ci était un jeune, il pesait 9kg, le Germon est mature sexuellement à 4 à 5 ans pour environ 15kg.
Sans état d’âme, je débite joyeusement la bestiole avec toutes les attentions que la noblesse de l’animal impose.

Délicieux paradoxe d’attitudes.

Je divise le poisson en 7 parties distinctes.
Les deux filets du dos ; les deux filets du ventre ; la tête et les arrêtes ; le foie, le cœur, les œufs ou laitances s’il y en a ; enfin les écailles, viscères et autres matières organiques, que la basse cour est en charge de trier.
Pour les quatre filets, pas de mystère ils seront positionnés et serviront de pièce maîtresse.
La tête et les arrêtes peuvent me servir à faire un fond, un bouillon, mille sauces et assaisonnements en fait.
Cela dit le goût du bouillon d’arêtes de thon n’est pas trop au mien.
Très saignant comme poisson, je n’ai jamais pris le temps de dégorger suffisamment longtemps ses restes pour en faire ressortir autres choses qu’amertume et puissance grise.
D’autres y parviennent sûrement, j’avoue avoir une forte consommation de poisson du côté du potager ce qui m’épargne des utilisations alambiquées.
Le poisson est un formidable engrais, riche en azote, ses utilisations sont multiples, même si nauséabondes quelques fois.
En écrivant ces lignes je m’aperçois que les arrêtes de ce Germon ont déjà été émulsionnées au compost, merci l’odeur, alors que j’aurais très bien pu essayer de les mettre à sécher au four, pour très probablement conserver leur riches propriétés azotées, j’aurais pu ainsi le rajouter au compost sans souffrir de pénibles effluves, ou même le répandre au sol selon mes besoins.
Je pourrais même enrichir la pâtée des volailles les jours de maigre.
Les abats peuvent être cuisinés ou subir le même sort que les arrêtes.
Quant aux viscères c’est compost.

Mon pavé de thon détaillé, je retourne à ma recette.
Pour réussir le thon, tout est dans la cuisson, trop cuit on a du thon en boîte, pas assez on fait dans le sushi.
Ce sont les grosses pièces qui ont ma préférence, la cuisson au four est pour moi ce qui convient le mieux, avec l’attention que nécessite un feu, on ne cesse de regarder le poisson ; ainsi, peu de risque de le rater.
Les modes de cuisson modernes apportent trop de confort, de thermomètres et de sondes, qui font naître une confiance débordante au cuisinier.
Seulement une cuisson n’est pas une science stricte, une recette encore moins.
Ce qui est vrai pour un poisson ne l’est pas forcément pour un autre, même s’ils sont de même provenance, de même poids, ou même issus de la même pondaison.
Deux êtres vivants sont différents forcément, loi de la nature oblige.
Alors il faut savoir s’adapter à l’invisible.
S’amuser aux réactions des chairs.
Observer, toujours observer.
Les sondes sont efficaces mais elles perforent le produit ce qui est toujours embêtant.
Bien connaître son four et observer tout le temps, développer son esprit critique est la clé de la réussite.
Par là-même les recettes que je vous donne devront être adaptées par chacun selon les produits que vous utiliserez, selon votre four aussi, le bois que vous utiliserez exetera.
Mon four est énorme avec une ouverture également gigantesque, il faut en tenir compte.

J’ai recouvert mon pavé de thon d’une huile vierge oignon, poivron, framboise, sarriette et romarin ; la framboise apporte une acidité en même temps qu’une rondeur au poisson.

En accompagnement, le potager m’a offert une première récolte de haricots coco.
Je les mets à cuire doucement dans une cocotte en verre, recouverts d’eau froide et agrémentés d’une carotte, d’un oignon, de quelques grains de poivre et feuilles de sauge.
Le verre apporte le confort de la vision ; les haricots coco comme beaucoup de légumineuses, se cuisent doucement et longtemps ; le verre permet de vérifier la puissance du bouillonnement.
Je ne les sale qu’après trois les trois-quarts de leur cuisson, le sel ayant des conséquences sur l’enveloppe de la graine, il la ronge en quelque sorte.
C’est peut-être intéressant sur l’épeautre par exemple, que je sale, lui, au démarrage.
Les haricots doivent cuire longtemps mais ne pas être trop cuits pour autant.
En Catalogne où les mongetes sont un plat national, la tradition populaire dit qu’il faut les faire cuire toute une nuit à frémissement et dans de l’eau de pluie.

Je récolte quelques courgettes, une aubergine, un poivron et une tomate qui me serviront à produire une ratatouille, plat estival s’il en est.
D’abord faire dorer 3 gousses d’ail écrasées dans de l’huile d’olive et dans le plat qui vous servira à faire cuire la ratatouille.
J’ai choisi un wok en fonte épaisse.
Il me permet ainsi de profiter d’une large surface de cuisson vive pour le démarrage et d’une surface plus concentré pour la fin de cuisson.
Par-dessus mon ail juste doré, j’ajoute mes légumes à l’exception du poivron coupé en dés ainsi qu’un oignon et d’un peu de thym.
Le poivron je l’ai fait sécher en transparence (épluché, épépiné et mis à sécher à plat), je le rajoute à mes légumes après les avoir recentrés dans le wok.
Il se réhydratera ainsi avec les jus de cuisson de la ratatouille et participera à l’harmonie des goûts lors de la seconde étape de cuisson qui permet, par compostage, l’uniformisation des saveurs des différents éléments.
Beaucoup d’excellents cuisiniers font leur ratatouille en cuisant les légumes séparément et obtiennent ainsi un plat où les éléments constitutifs de leur recette sont clairement distinguable avec des couleurs bien démarquées.
Je trouve que cela n’est pas une ratatouille.
En tout cas elle n’en n’a pas le goût, on devrait appeler ça une minestrone de légumes d’été.
Une ratatouille doit cuire tous ingrédients mélangés, c’est seulement ainsi que différents légumes se transforment en ratatouille.

Pour le dessert, enfin, j’ai utilisé un yaourt fermenté au four la veille et refroidi.
Je le mélange à volume égal avec du blanc d’œuf monté, puis avec de la crème, montée elle aussi.
Je mets très peu de sucre.
Je réserve cette préparation au froid.
Le yaourt riche en ferment, activera rapidement une nouvelle fermentation au contact de la crème.
Cette action aura une double incidence d’abord elle va concentrer la crème, elle était fluide et deviendra fraîche, aussi appelée crème double, ensuite et par voie de conséquence du petit-lait va se former et couler au fond de votre récipient.
Ainsi il faudra être précautionneux lors du prélèvement de la mousse pour ne pas piocher dans ce petit lait.
On peut aussi mettre notre préparation dans une passoire.

À cette mousse, je rajouterai des fruits.
Certains secs, d’autres frais préparés en salade et enfin d’autres, mis à confiturer avec des mirabelles, confites la veille.
Sempiternel débat, noyau ou pas dans les prunes ? Presque aucun restaurant ou pâtisserie ne vous proposera de dessert à base de prunes avec noyau, conséquence un peu triste d’une alimentation sans risques ni déconforts.
Les clients ne veulent ni se casser une dent ni cracher leur noyau, argument compréhensible.
Tant pis, chez moi on crache le noyau.


Exp 2/12 : septembre

  • potimarron farci au lapin et vieux lard au sel.
  • lapin à la moutarde de roquette, légumes braisés, pommes boulangère.
  • choux compote.

Septembre, mois des vendanges, où les légumes d’été encore présents croisent les semis d’hiver.
Aujourd’hui on préparera un potimarron farci, j’en ai eu pas mal de petits et ils conviendront bien pour une entrée généreuse.
En plat, un jeune lapin mâle de l’année se fera rôtir avec de la moutarde de roquette, accompagné de courges cuites à la braise et de pommes de terre boulangère.
Nous conclurons le repas avec des choux à la compote de pomme, poire et quetsche, agrémenté des premières noix.

Les pommes de terre arrachées sont des Bintje, lavées, épluchées et coupées en lamelles, on les dispose dans un plat à gratin et on les couvre du bouillon que l’on doit encore préparer avec les os du lapin et on les fait cuire doucement.
Il peut être nécessaire de rajouter un peu de bouillon en cours de cuisson selon les pommes de terre utilisées.
Le lapin sera découpé à cru, je réserverai le râble pour le plat et désosserai le reste pour l’entrée.
Les os concassés sont saisis au beurre près du foyer.
Une fois bien dorés j’ajoute une petite garniture aromatique et je les mouille à hauteur d’eau.
Le râble, je le recouvre de moutarde de roquette, un bout de carotte et d’oignon, un peu de beurre, au four.

La moutarde de roquette, je la réalise en trois temps.
D’abord je fais macérer les graines de roquette dans une saumure légère, environ un volume de sel pour six volume d’eau et ce pendant 2 jours.
Ensuite je fais mijoter ail, oignon, quelques grains de Sichuan frais, dans du vin blanc et du vinaigre de cidre.
On laisse cuire doucement environ un quart d’heure et on laisse au repos cette infusion à l’entrée du four jusqu’à ce qu’elle tiédisse.
On filtre ce mélange pour ne conserver que les liquides, mixé avec les graines de roquette saumurées, on obtient une belle moutarde de roquette.
La mienne est un peu rose, c’est dû au vinaigre que j’ai utilisé.
Je suis très fier de cette moutarde, c’est absolument à faire.
La récolte des graines est assez simple, et à mains nues avec un peu de patience je suis arrivé à nettoyer mes graines de leurs enveloppes.
C’est fastidieux quand même, le kilo est précieux.
L’année prochaine je vais essayer une meilleure méthode car je peux faire beaucoup plus de plants si je le souhaite, mais le nettoyage est un frein.
La roquette de culture, Eruca sativa, est simple de culture, je l’ai testée comme couvre-sol cette année.
Il a bien fonctionné, peut-être trop puisque je l’avais associé à du panais qui lui n’a pas levé apparemment, il est peut-être caché au milieu des carottes fourragères, semées après récolte des graines de roquette.
Les sommités fleuries sont déjà très bonnes, délicieuses même.
En revanche je ne suis pas un grand fan de ses feuilles, même cuites, je leur préfère sans mesure leur cousine sauvage, Diplotaxis tenuifolia, que l’on différencie facilement d’après les fleurs, jaunes pour la sauvage, blanches pour Eruca.
Chacune son intérêt, des similitudes mais pleines de caractères propres à chacune d’elles.
Et quelle moutarde !

Le râble enduit de cette préparation va s’imprégner des saveurs de roquette au cours de la cuisson qu’il faut vive mais pas excessive non plus, jouer avec le rayonnement des flammes et l’ambiance du four, tourner le plat en le rapprochant de la porte du four à mesure de la cuisson, nous apportera un lapin ultra tendre et très parfumé.
Une belle tranche de courge bleu de Hongrie et une autre de trompette d’Albina, sont snackées pour achever l’accompagnement de notre plat.

Je passe au hachoir la viande de lapin restante, je rajoute un peu d’échine de porc.
Au couteau j’émince un oignon, un peu de chou fourrager frisé, appelé Kale par les américains et qui est devenu le terme étiqueté sur ce produit que l’on trouve maintenant sur les étals.
Pour moi il s’appelle le chou cochon.
Je sors aussi un morceau de vieux lard du pot à sel, j’en tranche suffisamment pour assaisonner mon entrée.
Je malaxe bien tout ça sans oublier le poivre et je remplis un petit potimarron préalablement évidé.
Je le fais cuire assez doucement trois quarts d’heure environ, cela dépend bien sûr de la taille du potimarron.

Il faut faire la pâte à choux un peu à l’avance, elle est mieux après un repos d’une heure ou deux au frais.
Je prépare une pâte à choux classique, moitié-moitié eau-lait, pas mal de beurre, on fait bouillir et on plonge la farine pour mélanger à la cuillère de bois et obtenir une belle pâte à choux.
On tamponne la surface avec du beurre pour éviter qu’elle ne sèche.
Simple.
Pour la cuisson je fais une jolie quenelle de pâte avec des cuillères, on a une forme cohérente, de bonne proportion et à peu près uniforme.
Je n’utilise plus de poches à douille, trop fragiles et trop peu réutilisable, je ne cuisine pas pour remplir des poubelles.
Je dispose mes choux sur une tourtière en fonte épaisse, assez proche du feu mais avec une vigilance pointue.
Il faut tourner la tourtière pour éviter qu’ils ne brûlent et qu’ils lèvent correctement.
Ensuite on les éloigne du foyer petit à petit et on les termine à l’entrée du four.
C’est une cuisson à surveiller qui est longue.
Pour un chou bien cuit il faut compter une bonne heure.
Je les farcirai avec une pomme, une poire, deux quetsches et quelques noix fraîches, qui sont simplement compotés dans une cocotte en verre, sans aucun artifice, les fruits sont bons.

Notre menu est prêt.
Un menu très simple car souvent c’est dans la simplicité que l’on trouve le meilleur.
Et puis on est en septembre, ce sont les premiers potimarrons et autres courges de l’année que nous mangeons, les fruits aussi ; c’est un menu primeur, notre bouche est contente de retrouver ces goûts qui nous avaient quitté depuis de nombreux mois, inutile de rajouter quoi que ce soit.


Exp 3/12 : Octobre

  • champignons
  • chèvre
  • coing

Le mois d’entrée en automne, des feuilles qui sèchent, qui tombent.
Le mois des mouches qui partent et où tous les animaux engrangent ce qu’ils peuvent alors que les végétaux ralentissent leur activité.
Le lâcher des derniers fruits de la saison, les châtaignes, les noix et autres glands tombent comme des petites bombes de vie à venir, de nourriture pérenne.
Le mois du glanage sauvage qui prépare l’hiver, et qui ouvre l’appétit.
Chaque graine trouvée promet des préparations que la promenade liée à la récolte nourrit de sa divagation rêveuse.
C’est là sur les chemins, dans le bois, que le repas s’organise, que les recettes s’établissent, que le menu se précise.

Peu de champignons cette année, les pluies ayant pris d’autres chemins.
Une fois encore les lignivores épargnent mon panier de rester vide.
Ces champignons que personne ne ramasse et qui poussent accrochés à un vieux tronc décrépissant.
Ils enchantent ma cuisine proposant des saveurs trop peu exploitées.
Travailler dans la contrainte du possible ouvre vers de nouveaux horizons et ne limite certainement pas la créativité et la découverte.
Mes récoltes vont bon train, j’ai prévu la fin du marché au bord d’un fossé où chaque année je trouve quantité de coings, un fruit au goût d’enfance que l’on condamne souvent en cuisine à la rusticité, apportant un côté rural au menu.
Son odeur en cuisson, sa couleur dorée, un bonheur transcendant en fait, il joue avec notre cerveau et c’est beau.

Le coing, fruit inexorablement liées au canard quand il va par paire.
Celui qui reste au centre de la pièce et qui n’a rien d’une punition.

Les chèvres ne nous donnent plus de lait, leur gestation étant trop avancée pour leur permettre de continuer.
Certes nous pouvons regretter l’arrêt de l’approvisionnement en fromage frais, mais consolons-nous avec les vieilles bêtes qui ne peuvent plus vêler et qui donc ne donnent et ne donneront plus de lait.
Elles deviennent inutiles à l’éleveur, alors nous les mangerons.
C’est une viande excellente que seuls les ignares et les perplexes regardent grimaçant.
On en trouve malheureusement pas assez souvent sur les étals des Boucheries, la chèvre c’est bon, mangez-en !

On en fait de très bonnes charcuteries aussi, en lui adjuvant un peu de porc gras tout de même car la chèvre est une viande maigre.
Tous les plats à cuisson longue lui conviennent.
En chili, en bourguignon, en tous types de braisage, en grosses pièces rôties, la chèvre est bonne.
Seuls les tartares et cuissons trop vives me déconviennent pour l’instant…

Boris.A 2018

borisaudot@hotmail.com

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