Capitalisme numérique

‘Les technologies de l’informatique et de l’information introduites au début des années 1980 ont jeté les bases initiales de la mondialisation. Elle a permis à la classe capitaliste transnationale (CCT) de coordonner et de synchroniser la production mondiale, et de mettre ainsi en place un système mondialisé de production et de finance dans lequel chaque pays du monde a été intégré.
Tout comme la première génération d’ordinateurs et de technologies de l’information – et en particulier l’internet – a entraîné une transformation profonde du capitalisme mondial, cette deuxième génération de technologies numériques – allant de l’apprentissage automatique, de l’intelligence artificielle, de l’automatisation, de la robotique et des nanotechnologies et biotechnologies, à l’internet des objets, L’informatique quantique et l’informatique en nuage, l’impression 3D, la réalité virtuelle, les nouvelles formes de stockage de l’énergie et les véhicules aériens, terrestres et maritimes pilotés de manière autonome – génèrent aujourd’hui un nouveau cycle de restructuration mondiale qui promet d’avoir un autre impact transformateur sur les structures de l’économie, de la société, de l’État et de la gouvernance mondiale. (…)

Au cours de la deuxième décennie de ce siècle, l’économie mondiale s’est surtout caractérisée par le double processus de numérisation et de financiarisation. Le troisième acteur de ce bloc triangulaire de capital est le complexe militaro-industriel-sécurité. L’industrie technologique est née en même temps que le complexe militaro-industriel-sécuritaire et l’État policier mondial, dès sa naissance dans les années 1990. (…)

Avant même la pandémie, l’automatisation s’étendait de l’industrie à la finance et aux différentes branches du secteur des services, et même à l’agriculture et à la préparation de repas rapides. On s’attend à ce qu’elle finisse par remplacer une bonne partie du travail professionnel, c’est-à-dire les avocats, les analystes financiers, les médecins, les journalistes, les comptables, les assureurs et les bibliothécaires. Les technologies axées sur l’intelligence artificielle sont désormais de plus en plus adoptées dans le monde entier en raison des conditions générées par la contagion. La pandémie permet à la classe capitaliste transnationale de faire avancer la restructuration capitaliste d’une manière qu’elle ne pouvait pas réaliser avant la contagion en raison de la résistance à l’assaut numérique. (…)

Les États sont confrontés à des crises de légitimité de plus en plus graves après des décennies de privations et de dégradation sociale engendrées par le néolibéralisme, crise qui est aujourd’hui aggravée par l’incapacité de ces États à gérer l’urgence sanitaire et l’effondrement économique. À mesure que le monde émergera de la pandémie, les inégalités, les conflits, le militarisme et l’autoritarisme augmenteront, tandis que les bouleversements sociaux et les troubles civils se propageront. Les groupes dominants se concentreront sur l’expansion de l’État policier mondial pour contenir le mécontentement de masse venant de la base. Dès avant la contagion, les agents de cet État policier mondial ont mis au point de nouvelles modalités de maintien de l’ordre et de répression rendues possibles par l’application de la numérisation et des technologies de la quatrième révolution industrielle, telles que les armes hypersoniques, les véhicules d’attaque et de transport sans pilote, les robots soldats et la nouvelle génération de super-drones et de flybots (minuscules instruments volants pour la surveillance, le suivi et d’autres missions), les fusils à micro-ondes qui immobilisent, l’identification biométrique, etc.

William I. Robinson (en espagnol)

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