Ceci est un condensé de la première partie du rapport de l’australienne Commission for the Human Future intitulé
« La communauté mondiale construit un système économique d’incitations perverses garantissant sa propre destruction ».
La pandémie de coronavirus est apparue tout d’un coup, sans prévenir, et a pris le monde entier par surprise. Elle a montré à quelle vitesse un risque catastrophique peut surgir et toucher tout le monde, à quel point nos horizons sont à court terme et à œillères, à quel point nous sommes vulnérables et mal préparés à des menaces qui peuvent ébranler ou faire s’effondrer notre civilisation, voire nous faire disparaître en tant qu’espèce.
La Commission for the Human Future lance aux nations et aux peuples de la Terre un appel urgent à l’action, pour qu’ils s’unissent afin de surmonter les dix grands risques catastrophiques auxquels l’humanité et notre civilisation dans son ensemble sont confrontées.
Les dix risques
– Le déclin des principales ressources naturelles et émergence d’une crise mondiale des ressources, en particulier de l’eau,
– L’effondrement des écosystèmes qui abritent la vie et extinction massive des espèces,
– La croissance de la population humaine et de la demande, au-delà de ce que la Terre peut supporter,
– Le réchauffement planétaire, l’élévation du niveau de la mer et les changements climatiques de la Terre affectant toutes les activités humaines,
– La pollution universelle du système terrestre et de toute vie par des produits chimiques d’origine humaine,
– L’insécurité alimentaire croissante et la mauvaise qualité nutritionnelle,
– Les armes nucléaires et les autres armes de destruction massive,
– Les pandémies de maladies nouvelles et incurables,
– L’avènement de nouvelles technologies puissantes et incontrôlées,
– L’incapacité nationale et mondiale à comprendre ces risques et à agir de manière préventive.
Tous ces risques sont interconnectés et ne peuvent donc pas être résolus un par un.
Il faut résoudre l’ensemble des risques à la fois, en tant que système, et sans en aggraver aucun.
L’aptitude de l’espèce humaine à s’infliger des dommages de masse s’est accrue depuis le milieu du XXe siècle.
Les tendances mondiales en matière de démographie, d’information, de politique, de guerre, de climat, de dommages environnementaux et de technologie ont atteint un niveau de risque absolument nouveau.
Les risques qui apparaissent aujourd’hui sont variés, globaux, complexes et catastrophiques.
Ils sont tous liés à la façon dont les humains s’organisent.
Les dix risques peuvent se combiner pour nous frapper, successivement et simultanément, quand nous approcherons du milieu du 21e siècle.
Nous affirmons qu’à l’heure actuelle, aucune nation ou aucun gouvernement sur Terre ne reconnaît toutes ces menaces comme un tout complexe, ni n’a de politique explicite pour la survie de l’humanité.
Le changement climatique
Il se produit plus rapidement que prévu.
La vitesse et l’ampleur de son impact ont été fortement sous-estimées, tant sur le plan physique qu’économique.
Un changement climatique dangereux se produit à une température moyenne de 1°C de réchauffement planétaire.
Un changement climatique extrêmement dangereux est probable à 2°C, qui pourrait être atteint d’ici 2035.
Avec les politiques mondiales actuelles, un réchauffement de 3°C est probable d’ici 2050, produisant un monde que les experts en sécurité nationale considèrent comme un chaos social.
Ces politiques conduiront à un réchauffement de +4°C avant 2100, créant un monde qui, selon les mêmes experts, entraînera l’effondrement de la civilisation humaine.
La dégradation généralisée de la biodiversité est vraiment stupéfiante et d’ampleur planétaire. La végétation terrestre a diminué de moitié au cours de l’histoire de l’humanité, perdant un cinquième de la biodiversité originelle.
Jusqu’à 70 % de la surface terrestre de la Terre a été modifiée par l’homme.
Quelque 700 extinctions d’animaux et 600 extinctions de plantes ont été enregistrées, et quantité d’autres sont probablement passées inaperçues.
Depuis 1970, 60 % de tous les animaux terrestres ont disparu.
Au moins un million d’espèces sont menacées d’extinction sur un total probable d’environ 8 millions.
La biomasse des animaux sauvages représente aujourd’hui moins d’un quart de ce qu’elle était avant l’homme.
La plupart des objectifs actuels de protection et de rétablissement de la nature dans le monde sont en train d’échouer.
Les systèmes monétaires et économiques actuels s’opposent à ce qui est nécessaire pour maintenir un monde naturel permettant à l’humanité de perdurer.
Ils doivent donc changer.
Cela impliquera de mettre davantage l’accent sur la coopération entre les communautés humaines et d’établir des liens plus étroits avec les systèmes naturels qui assurent notre subsistance.
Les armes nucléaires
Les armes nucléaires représentent la plus grande menace immédiate pour la santé et le bien-être des êtres humains.
Elles ont la capacité de détruire l’avenir de l’humanité en une demi-journée.
Et si elles ne sont pas éliminées, elles vont être utilisées à nouveau.
Le stock mondial est constitué de 13 890 armes nucléaires.
Environ 2 000 sont en état d’alerte élevé pour une utilisation immédiate.
L’explosion de moins de 1 % de cet arsenal provoquerait une brusque période glaciaire et une famine mondiale touchant tout le monde.
Le danger d’une guerre nucléaire s’accroît.
Les accords durement gagnés qui limitaient la prolifération nucléaire sont en train d’être démantelés, la course aux armements et à la technologie s’accélère et les menaces nucléaires explicites s’intensifient.
Les fabricants d’armes recrutent les « meilleurs et les plus brillants » jeunes esprits pour les aider à construire des armes plus dévastatrices.
La pénurie de ressources
La population humaine est actuellement de 7,7 milliards.
Elle devrait atteindre 10 milliards dans les années 2050 et 11 milliards en 2100, ce qui entraînera une spirale de la consommation, une dégradation et un gaspillage des ressources trop sollicitées.
La demande totale de ressources humaines a été multipliée par 40 au cours des 120 dernières années et devrait encore doubler d’ici le milieu du siècle.
Exemple, alors que la population humaine a triplé depuis le milieu du XXe siècle, notre demande en eau a été multipliée par 6.
Actuellement, notre consommation annuelle s’élève à 3 800 milliards de tonnes d’eau douce, 17 milliards de tonnes de produits minéraux, de construction et d’énergie, 5,8 milliards de tonnes de produits forestiers et 5 milliards de tonnes de nourriture.
Seule une très petite partie de cette consommation est recyclée ou réutilisée.
L’insécurité alimentaire (en bon français : la faim, tout simplement)
La sécurité alimentaire mondiale est sur le fil du rasoir en raison de la perte massive de sols, de la rareté croissante de l’eau, du déclin des écosystèmes et du changement climatique.
Tout le monde a besoin de manger, tous les jours.
Et l’histoire montre que, si ce n’est pas le cas, des guerres éclatent.
Les Espagnols ont un dicton : « Entre la civilisation et l’anarchie, il n’y a que sept repas ». L’alimentation est au cœur de toutes les menaces catastrophiques.
Elle les relie toutes.
Les deux tiers des guerres menées au cours des 100 dernières années ont eu pour origine des différends sur la nourriture, la terre et l’eau.
Déjà un tiers de milliard de personnes passent chaque année des régions du monde où règne l’insécurité à des régions plus sûres.
L’humanité produit actuellement environ 5 milliards de tonnes de nourriture par an, dont près de 2 milliards de tonnes sont gaspillées.
La production alimentaire est l’un de nos plus grands impacts sur la planète.
Notre système alimentaire conventionnel est défaillant.
Il sera incapable de nourrir 10 milliards d’habitants sur une planète chaude, aux ressources limitées.
Comme pour les énergies renouvelables, le monde a besoin d’un système alimentaire mondial renouvelable qui recycle les nutriments et l’eau, nourrit tout le monde et met fin à la pénurie alimentaire, basé sur l’agriculture régénérative, la production alimentaire urbaine et l’aquaculture en eaux profondes.
Un tel système permettrait non seulement de nourrir tout le monde, mais aussi de libérer 25 millions de km² pour le ré-ensauvagement et le reboisement, contribuant ainsi à mettre fin à la sixième extinction.
En assurant la subsistance de tous, il peut contribuer à prévenir la plupart des guerres.
Le danger des nouvelles technologies
Un large éventail de technologies avancées a un effet profond sur la planète et sur toute ce qui vit, y compris nous-mêmes.
Elles vont des polluants chimiques aux nucléides radioactifs et aux plastiques, en passant par des menaces immatérielles mais réelles telles que l’intelligence artificielle, les robots tueurs, la biotechnologie, la nanotechnologie et les radiations électromagnétiques.
Toutes sont entièrement nouvelles pour le système terrestre et elles pourraient modifier l’évolution de la vie sur notre planète.
Les technologies numériques telles que l’intelligence artificielle contribuent à de nombreux risques catastrophiques.
L’actuelle fragmentation du leadership entre les nations rend impossible la gestion des problèmes mondiaux de l’ampleur de ceux auxquels nous sommes confrontés.
Pour faire advenir les types de changements réellement nécessaires, il faudra un changement majeur quant à la pression qu’exerce la population dans son ensemble.
D’une manière dont nous n’avons aucune expérience jusqu’à présent.
La surpopulation
En 2020, la population mondiale atteindra 7,77 milliards, avec une croissance annuelle de 1,05 %.
Or, quand une population croît de 1 % par an, elle double tous les 70 ans.
Sans une baisse de la croissance à 0 % et moins, la population humaine dépasserait les 15 milliards d’ici 2090.
Or les préoccupations liées au « vieillissement de la population » amènent de nombreux gouvernements à promouvoir l’augmentation des taux de natalité.
Il y a maintenant trop de gens sur la planète qui utilisent trop de ressources et produisent trop de déchets dangereux.
La croissance de la population humaine aux niveaux actuels exacerbe toutes les autres menaces.
Sa gravité et sa prévention ne sont abordées ni dans tel ou tel pays, ni au niveau international.
La pollution universelle par les produits chimiques
Il a été démontré qu’une exposition à long terme à des quantités apparemment non toxiques de certains produits chimiques environnementaux contribue au développement de cancers et de maladies auto-immunes, neurologiques, de la croissance et de la reproduction.
Les pandémies
Il y a eu sept pandémies depuis le début du 21ème siècle.
Les maladies pandémiques sont généralement dues en premier lieu à la surpopulation humaine, à la destruction des forêts et du monde sauvage, à l’augmentation du commerce d’animaux sauvages, aux pratiques agricoles, au transport international et à la densité des conditions de vie en milieu urbain.
Le COVID-19 a mis en évidence la combinaison dévastatrice d’une économie mondiale imbriquée, d’un manque de préparation, d’une action tardive, d’une déconnexion sociale et d’un hyper-individualisme.
On a sous-estimé la vitesse et l’impact de la pandémie, l’importance des conditions locales et le manque de connaissances sur la capacité de réaction du système de santé.
La pandémie COVID-19 offre ainsi une expérience directe sur la manière de faire face à une menace catastrophique.
Le déni, la désinformation et l’absence d’action de prévention
Pendant plusieurs décennies, le discours mondial dominant, sur les plans économique, politique et intellectuel, a été saisi d’un optimisme excessif.
À l’inverse, les voix appelant à la justice, à l’équité ou mettant en garde contre les limites de la croissance et des risques ont été largement ignorées ou réprimées.
Ceci nous laisse avec des systèmes de gouvernance manifestement incapables de comprendre et d’affronter les risques catastrophiques et existentiels – et qui sont terriblement inadaptés lorsque les risques pour la survie de l’humanité commencent à se concrétiser.
Il est nécessaire de procéder à une réforme politique de grande envergure, notamment en ce qui concerne les intérêts particuliers et étroits, et l’influence qu’ils exercent sur les activités des gouvernements.
Selon Milton Friedman : « Seule une crise – réelle ou perçue – produit un changement réel.
Lorsque cette crise se produit, les mesures qui sont prises dépendent des idées qui circulent.
C’est, je crois, notre fonction de base : développer des alternatives aux politiques existantes, les maintenir vivantes et disponibles jusqu’à ce que l’impossible devienne l’inévitable politique ».
Cet impossible est en train de devenir inévitable à toute vitesse.
Si nous ne saisissons pas cette opportunité, nous aurons échoué dans notre tâche.
Le défi
À l’heure actuelle, aucun gouvernement dans le monde n’a de plan pour faire face à tous ces risques, pour les traiter comme un système unique, et pour trouver le meilleur et le plus sûr moyen d’en sortir.
Ce manque de préparation signifie que l’humanité continuera à être prise en embuscade par des crises imprévues.
*
Mes observations de lecteur
Si je m’intéresse à ce Rapport de la Commission for Human Future, et que je veux le faire connaître, c’est :
– parce qu’il énonce une situation souvent passée sous silence : que les risques gigantesques actuellement encourus par l’humanité tout entière sont liés les uns aux autres,
– parce qu’il décrit ces divers risques sans fioritures,
– parce qu’il ne se contente pas de décrire des situations : il identifie des causes et des responsabilités,
– parce qu’il alimente ma conviction que la soupe productiviste-guerrière dans laquelle nous trempons est la calamité numéro 1 dont nous devons nous défaire, même si ceci n’est qu’évoqué de-ci de-là,
– parce qu’il suppose que des remèdes pourraient être trouvés à condition de voir la situation en face, et de prendre collectivement les moyens ad hoc,
– parce qu’il lance la balle vers NOUS, qui devons disqualifier ceux qui prétendent savoir faire au simple motif qu’ils sont au pouvoir, alors que c’est précisément en raison de cette position de puissants-omniscients que les humains sont dans la m…
Mais j’ai aussi des réticences :
– Je prends avec des pincettes ce plaidoyer pour une plus grande influence des scientifiques sur les choix et décisions politiques.
– Je n’accepte pas que l’on use du mot « Civilisation » – et encore moins de l’expression « La civilisation » sans en préciser le sens.
– Je crains d’y trouver un regret par rapport à un état des sociétés dites prospères « d’avant », un peu comme s’il était question de rétablir la nature dans un état antérieur.
Et, face aux constats, j’ai une crainte majeure :
– Que, tout simplement, NOUS n’osions pas apprendre comment procéder collectivement, nous contentant de gesticuler inutilement, nous tromper de levier, chercher à briller sur l’anthropo…scène, etc., en toute bonne conscience !