Je m’appelle Guillaume, et… je suis ici…
sur le rond-point de Montabon
depuis le 17 novembre 2018

… Je me suis impliqué, en fait, dans ce mouvement depuis bien avant le 17 novembre, dès que, depuis le début de l’année, on a commencé à avoir encore de nouvelles lois qui tombaient les unes par-dessus les autres au niveau notamment de l’automobile. J’ai un garage et je suis « à mon compte ». Et on a eu des nouvelles normes pour les contrôles techniques, on a eu le prix de carburant qui augmentait : ça touche forcément le budget des automobilistes, et donc le budget de mes clients aussi, et puis de moi-même, de ma famille, de tout le monde.

Et puis du coup voilà…moi personnellement, et puis dans la famille aussi, on avait commencé à se dire qu’il fallait un petit peu changer les choses et puis commencer à s’impliquer pour ça.

Et est arrivée la limitation à 80 km/h, début juillet, ce qui a je dirais, encore plus mis tout le monde en colère.
Et puis voilà, et puis à partir de fin septembre, suite aux nouvelles lois qui se préparaient pour toute sorte de choses… un appel a été lancé à se rassembler le 17 novembre par quelqu’un sur Internet, un chauffeur routier, voilà, qui a posé une date comme ça du 17 novembre sans savoir si ça allait donner quelque chose.

…et petit à petit, ils se sont mis à se dire qu’il fallait se battre ensemble pour obtenir quelque chose!

Et puis les gens étant déjà très remontés par tout ce qui se passait depuis le début d’année, tout ce qui les contrariait un peu, et ce qui les touchait directement, ont tout de suite adhéré, ont tout de suite partagé le truc.

Il y avait une personne qui était connue en même temps, qui avait créé une pétition contre la hausse des prix des carburants parce que… voilà la hausse des prix des carburants, ça ne touche pas que les gens qui vont bosser avec leur voiture, pas que, directement le portefeuille quand on va faire le plein : ça touche tout, ça touche le prix de tout ce qu’on achète, tout ce qu’on achète c’est transporté un jour ou l’autre… donc voilà… après… il y avait une personne qui… donc cette date du 17 novembre, c’est quelque chose qui a été de plus en plus partagé et il y a quelqu’un qui a dit « bon ben voilà, on va mettre le gilet jaune sur le tableau de bord de la voiture pour montrer qu’on n’est pas tout seul à vouloir se réunir le 17 novembre, pour dire qu’il y en a marre… pour motiver les gens, pour créer une union et puis c’est quelque chose qui a énormément pris via les réseaux sociaux qui a été partagé, repartagé, on a vu les gilets jaunes de plus en plus souvent sur les voitures… du coup c’est vrai que, remontés comme on était (=tellement nous étions fâchés) par tout ce qui se passait, on s’est tout de suite impliqués là-dedans, en allant… enfin qui est « on », c’est-à-dire moi, c’est-à-dire mes parents, c’est-à-dire des amis… et puis voilà on est allés à une première réunion qui s’est tenue dans notre petite ville, où un petit jeune avait lancé ça tout seul dans son coin, mais qui n’était pas forcément très à l’aise pour parler… pour organiser des réunions quoi. Et du coup on s’est dévoués, enfin mon père et moi, pour monter un peu sur la petite scène qu’il y avait, une estrade en bois, et puis prendre le micro et puis commencer… enfin on n’avait pas de micro à la première réunion… mais voilà commencer à dire… parce qu’on était quand même, là cette première réunion, peut-être 150 personnes…

Et puis voilà, on a fait une réunion, on a fait une deuxième, et puis dès la deuxième réunion, bon ben, une fois montés… on va dire… sur la scène, après avoir pris un peu les choses en main (= pris la conduite de ce qu’il se passait)…

Des gens… enfin il y a eu des gens qui pouvaient pas venir à certaines réunions et qui sont venus à d’autres et ainsi de suite… on ne savait pas vraiment combien de personnes s’impliquaient mais il y avait du monde.

Et puis voilà, on s’est mis à organiser des réunions pour informer, pour essayer de… donc se tenait au courant beaucoup sur les réseaux sociaux, de tout ce qui se passait ailleurs en France… de vraiment des grandes lignes de mouvement, etc… après… ce qui est un peu inédit, c’est qu’on a… il y a des gens de tous corps de métiers, de tous horizons… c’est vraiment très atypique comme mouvement…

Et puis les gens viennent… certains venaient pour des revendications qui leur étaient propres, des infirmières qui ont des soucis de budget dans les hôpitaux, des retraités à qui on prend encore sur des retraites qui sont déjà tout petites… on a les artisans qui paient énormément de charges à qui on demande de payer alors qu’ils ont pas encore sorti un euro de salaire… il y a toutes sortes de gens…

… il y a toutes sortes de gens et curieusement c’est pas « des gens qui foutent rien » entre guillemets comme on pourrait l’entendre souvent à la télé ou par des gens qui ne sont pas forcément impliqués. Au contraire, c’est quasiment que des gens qui travaillent et quelques retraités… mais il y a principalement des artisans, des ouvriers… voilà, c’est des gens quand même à qui ça coûte beaucoup de s’investir dans ce mouvement, ça coûte en temps, ça coûte en argent… mais tout le monde se dit qu’il est temps, il est temps de faire changer les choses…

Et donc voilà, petit à petit on a fait des réunions, on a mis des choses en place jusqu’au… &

Et puis voilà est arrivée cette date du 17 novembre où beaucoup de gens du coup ici – on n’était pas loin de 500 – se sont réunis sur plusieurs points d’action qui avaient été définis autour de Château-du-Loir ici… et puis voilà c’est passée la journée, où on a bloqué l’entrée du péage… on a fait… le péage était gratuit en sortie… la circulation était ralentie… on essayait d’expliquer aux gens pourquoi on était là, qu’est-ce qu’on faisait, pourquoi c’était important de le faire, pourquoi c’était important de se faire entendre… et bon ben voilà c’est plus ou moins bien compris parce qu’on s’est vite aperçu que bloquer les gens comme « nous » entre guillemets, ça posait souci, c’était pas forcément bien vu, bien accepté.

mais voilà il y a eu une grosse grosse journée d’action, le 17 novembre qui a fait parler, qui a fait la une de tous les journaux, des télés… voilà c’était le but aussi, et puis tout le monde s’est posé la question, vu que c’est un mouvement qui est depuis le début et encore aujourd’hui revendiqué apolitique, non syndiqué, totalement indépendant… et sans chef surtout, c’est ça le plus important, je dirais c’est ce qui est la force du mouvement, aussi certaine faiblesse mais c’est ce qui fait sa plus grosse force, je pense… qu’il n’y ait pas de chef.

Du coup tout le monde s’était posé la question à la fin de cette journée du 17 novembre, qu’est-ce qu’on fait ? est-ce que le 17 novembre c’est un début ? est-ce que c’était une journée d’action comme ça et puis que ça ne perdurerait pas ?… et puis au final, localement ici, on s’est tenu au courant un petit peu de ce qui se passait sur les réseaux sociaux… et puis les gens sont restés la nuit, il y en a qui ont amené à manger, à boire… et la solidarité a commencé à se mettre en route, les gens à s’entraider, et puis on est restés la nuit, on est restés le lendemain, on est resté les nuits, les jours suivants… et on a vu que c’était pareil partout en France… Et puis que… oui partout en France, la solidarité se mettait en route… je dirais la colère des gens mais surtout la contestation avait pris sa source de très loin… je dirais de très loin dans les… depuis longtemps.
Et puis… voilà il y a beaucoup de gens qui sont touchés par énormément de choses qui ne vont plus du tout aujourd’hui.

Il faut savoir aussi que les gens ne viennent pas de manière égoïste ; chacun a ses propres revendications par rapport à son métier, par rapport à sa situation personnelle, mais beaucoup de gens ici viennent… c’est ce que je répète souvent… on vient pour le bien commun, on ne vient pas pour obtenir un petit quelque chose par rapport à soi personnellement : on vient pour qu’il n’y ait plus des gens qui dorment sur le trottoir, on vient pour que tout le monde ait un accès aux soins… corrects et qu’on n’ait plus des gens qui attendent 15 heures aux urgences, on vient pour tout un tas de choses, pour qu’on n’ait plus une transition écologique qui soit… punitive mais quelque chose qui soit plutôt incitatif, parce que tout le monde est pour l’écologie dans l’idée – quant au principe – mais les gens n’ont pas les moyens de payer toujours plus pour ça, donc forcément quand on demande à tout le monde de se serrer la ceinture et puis de faire des efforts pour l’écologie, des efforts financiers… il y a un moment, quant on ne peut plus acheter à bouffer… c’est pas possible… ça, c’est voilà le discours de tout le monde…

Mais, voilà aujourd’hui, ça fait bientôt 3 mois qu’on est ici… et puis il y a… oui, je sais pas… il y a quelque chose qui s’est passé, c’est difficile à décrire mais il y a quelque chose qui s’est passé, qui a fait que, à partir du 17 novembre, tout le monde s’est dit… tout le monde partout en France s’est dit… on lâchera rien, on ira jusqu’au bout… c’est ça… on veut obtenir ce qu’on revendique depuis le début, on veut une société plus juste, on veut obtenir des résultats et tant qu’on aura pas ça, on restera là.

Et voilà du coup depuis le 17, il y a du monde jour et nuit ici, 24 heures sur 24 en permanence, il y a toujours eu du monde, les samedis il y a des… il y en a pas mal vont dans les manifestations dans de grandes villes… il y a des… on tient un stand sur le marché local le samedi matin pour informer les gens parce que c’est important aussi d’informer, on s’aperçoit qu’il y a énormément, par le biais des chaînes de télé, des chaînes d’information, de désinformations et manipulations d’information, beaucoup de choses qui sont pas dites, des choses qui sont… la lumière est mise sur les violences qu’il y a pendant les manifestations toujours, mais pas… je vais pas dire pas du tout… mais pas du tout assez sur les choses… les revendications justement, parce qu’on touche quand même à un système qui est en place depuis plusieurs dizaines d’années, qui favorise la finance, qui… on parle toujours de production d’argent et pas de bien commun, pas de vivre heureux… une question toute bête : on vit dans une société où, quand on rencontre des gens qu’on n’a pas vus depuis longtemps, on leur demande si… on leur demande s’ils ont réussi, s’ils ont un travail, s’ils ont une grosse voiture, on ne leur demande pas s’ils sont heureux dans leur vie… et aujourd’hui c’est ça, La devise de la France, c’est « Liberté, Égalité, Fraternité »… Bon bah, comme on l’entend partout en fait aujourd’hui on a retrouvé la fraternité sur les lieux de rassemblement justement de tous les gilets jaunes et puis aujourd’hui… maintenant on veut tous ensemble récupérer la liberté et l’égalité qui se sont perdues depuis longtemps… voilà après… on fait tout pour que… enfin on fait tout… on fait de notre mieux… nous personnellement, moi, mes parents, des amis, on n’avait jamais manifesté auparavant, ou vraiment voilà une manifestation en tant qu’étudiants il y a longtemps… mais on n’était jamais engagé vraiment dans quoi que ce soit.

Mais aujourd’hui il est temps de faire changer beaucoup de choses… c’est le moment, je pense qu’on en a la possibilité, il y a beaucoup beaucoup de gens qui sont du même avis… et voilà on lâchera pas, on lâchera pas l’affaire…
… après… c’est vrai que c’est pas facile tous les jours quoi… parce qu’on est… moi, comme je dis, c’est un peu une deuxième maison ici, je passe même plus de temps quand je ne travaille pas, je suis ici, j’habite plus chez moi depuis le 17 novembre, et on est plusieurs dans ce cas-là.

… Et voilà on découvre un peu la vie en communauté avec les autres, ça a du positif, ça a du négatif, mais ça a permis beaucoup de rencontres entre des gens, des locaux, on se croisait sûrement tous les jours sur la route ou supermarché mais on se connaissait pas… il y a beaucoup de liens, beaucoup d’amitiés qui sont crées… je pense qu’on a déjà vu beaucoup de positif sans parler des résultats par rapport aux revendications qu’on voulait mais beaucoup de positifs socialement.

Et voilà maintenant on veut quand même obtenir un certain nombre de choses qu’on demande, notamment le référendum d’initiative citoyenne qui est la principale revendication, qui est de reprendre la main sur les décisions qui sont prises au niveau de la gestion de pays, qui pour beaucoup de monde sont toujours faites… enfin c’est des décisions qui sont toujours prises dans l’intérêt d’une minorité et pas dans l’intérêt de la majorité… donc voilà, si on veut résumer un peu les demandes de tout le monde, c’est ça… maintenant… après j’sais pas ce qu’on peut… j’sais pas ce qu’on peut ajouter là-dessus mais…

Après oui c’est sûr que… ça a ouvert les esprits aussi sur beaucoup de choses, déjà on était… j’veux pas dire que… Français est… égoïste mais quand même un petit peu, et on a découvert… au début les gens venaient pour des revendications très propres à leur situation, et petit à petit ils se sont mis à se dire que de toute façon il fallait se battre ensemble pour obtenir quelque chose, et que l’union fait la force… et que… voilà les gens ont accepté de donner de leur énergie pour les autres aussi… c’est déjà… enfin il y a des gens qui avaient l’habitude de le faire et d’autres pas du tout… c’est quelque chose que tout le monde a appris…
après… que dire de plus ?…

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Et
Assange
?