Je ne voterai pas

Voici une lettre que je viens d’adresser à une personne très proche :

J’ai promis de t’expliquer pourquoi je ne partage pas ta vision des choses quand tu écris :

« voter absolument pour défendre la démocratie ;
je sais que ce qui est proposé est loin d’être parfait,
mais pour le moment, l’urgence est de ne pas reculer !
Avançons donc vers les urnes en ces 30/06 et  07/07.
Avec beaucoup d’espoir !!! »

Possible que je t’étonne, et même que je te choque…
C’est le lot du dissensus, matière première de la démocratie !

J’aurais bien des commentaires d’ordre général à faire, basés par exemple sur
– « la démocratie est la manifestation de la responsabilité du plus grand nombre de gens possible sur le plus grand nombre de choses les concernant »,
– « les élections sont des coups portés à la démocratie, parce qu’elles étroitisent la réflexion »,
– « la médiacratie à laquelle nous sommes astreints (sans avoir jamais voté pour !) génère la passivité face aux événements et aux situations, or nous voici soudain sommés d’être actifs : mais c’est quoi, ça ? »
etc.
Mais je laisse ça de côté pour le moment.

Précision : ma réflexion ne porte pas sur le degré de satisfaction que nous retirons de notre situation (celle que nous impose le complexe politico-économique), mais sur le déshonneur que nous assumons en acceptant ceci : ne nous prononcer que de temps en temps (et seulement quand on nous dit qu’on doit) en donnant carte libre à des élus qui ne rendront jamais de compte, ou qui même feront autre chose que ce qu’ils auront promis.

Mais j’en viens aux choix proposés aux électeurs, en ce début d’été.

Le camp Macron, on a largement eu le temps de faire sa connaissance.
Je ne commente donc pas, même si Attal aimerait bien dégommer Macron pour, sans doute, faire pire.

Le camp de droite – je ne dis extrême-droite que pour Zemmour – n’a pas l’intention de réaliser le programme annoncé depuis longtemps : depuis une semaine, des déclarations de Bardella et Le Pen le manifestent. Et on a constaté la même chose en Italie avec Meloni.
Bien sûr, ce camp-là est dangereux pour les libertés publiques et celles de chacun, et il y a de quoi s’inquiéter ; mais Attal n’est pas plus fiable à cet égard.
Globalement, l’ensemble Bardella-Attal est dangereux pour les mêmes raisons.

De plus, l’exercice du pouvoir par le RN ne peut qu’encourager à se lâcher les racistes, suprémacistes et fascistes de tout poil (sans oublier qu’ils peuplent aussi la police) : il y a sans doute (au pif) 5% de ce type d’individus dans notre société.
Il y a donc assez de raisons de se méfier de ce RN, qui a fait main-basse depuis quelques mois (vote de la « loi immigration ») sur les élus qui hésitaient encore à se rapprocher officiellement de lui, et donc de ces élus aussi.
Donc, voter contre.

D’accord, mais comment faire ?
Y a pas la touche « Contre ».

Alors, tu me diras « Ben, il y a la gauche, en face » !
Malheureusement, cette gauche ne peut que nous mener à la cata.

Le choix d’un premier ministre en cas de victoire de cette gauche sera un facteur de division au sein du Front populaire.
Entre les Écolos et le parti communiste, aucun accord n’est possible sur la question du nucléaire.
Au sein de la France Insoumise, comme au sein du Parti socialiste, les divergences ou rivalités sont de taille !

N’oublions pas que, s’il n’y avait pas eu l’opportunité de ces élections, il n’y aurait jamais eu cette nouvelle entente, car elle ne va pas de soi.
Ce Front pop’ a accouché d’un programme non impératif, purement fait pour gagner les élections, c’est-à-dire pour bluffer ses électeurs, qui sera revu et corrigé en cas d’accès au pouvoir, comme chaque fois qu’il y a eu une union entre partis de gauche (idem pour le programme de Bardella, sauf que celui-ci annonce la couleur dès avant l’élection, ce que se garde bien de faire la gauche !).
Oui, bien sûr, il pourrait y avoir quelques « victoires »du type de ce qu’ont été les « congés payés » en 1936.
Mais je les crois incapables de mener une politique commune.
Et ils le savent tellement bien que l’entente établie il y a 2 ans n’avait pas survécu …aux élections, précisément !
La constitution de la Vème république n’est pas à la hauteur pour que soit gérée une telle cacophonie au gouvernement.
Alors : changement de Constitution ? Convoquer une assemblée constituante pour ça, comme c’est annoncé ? Mais ce sera trop tard !

Puisqu’on peut seulement voter pour, je ne vois pas pour qui je voterais, si je votais.
Et je ne dois pas être le seul !
A la limite, pour un candidat qui enlèvera des voix au Front populaire : par exemple, dans ta circonscription, pour le candidat de Lutte ouvrière…
S’il y avait une chance que les « blancs et nuls » soient véritablement pris en compte, ça serait peut-être mon choix.

Bref, si je votais non-nul, je voterais de toute manière contre ma conviction.

Nous sommes souvent la majorité des Français à faire la grève des élections : abstentionnistes, non inscrits. Et nous ne sommes pas tous des j’m’enfoutistes, que diable !
Le Parlement qui sera élu le 7 juillet ne représentera qu’une minorité : les électeurs.
Et, en plus, si une majorité s’établit en faveur d’un camp, elle sera sans doute très faible.
Ce parlement votera donc selon les choix d’une extrêmement faible fraction des citoyens.

De même pour tant d’autres Parlements en Europe et ailleurs.

Pire :
Une fois les élections passées, nous n’aurons plus la moindre possibilité de manifester nos vrais choix, ce qui nous tient à cœur.
Nous nous serons laissés enfermer dans une nasse qui n’est évidemment pas celle que nous pourrions espérer, mais qui convient tellement bien aux intérêts des maîtres du monde.

*

Je poursuivrai peut-être mes explications – mais plus tard -, en disant, par exemple, qu’une union de cette gauche molle, au lieu d’un programme, aurait dû publier une charte à caractère impératif afin de pouvoir être jugée là-dessus.
Principal objectif : créer les conditions pour que chaque habitant ait des raisons – et toujours plus – de se sentir « valable », et non plus maltraité, déclassé, etc.
Principes : justice, solidarité, etc.
Mode de conduite : retour au peuple dans les cas où il faut trancher difficilement, etc.
Etc.

*

Sinon, pour engager une réelle sortie du système, eh bien : application de la Charte d’Amiens des syndicalistes (1906) qui avait pour objectif d’exproprier les capitalistes.
Financiers y compris bien sûr.
En effet, à l’heure où tout ce qui existe est kidnappé, mortifié ou gangréné par ces profiteurs tout-puissants, ce serait plus que jamais le seul horizon valable.

Sauf que les héritiers de ceux qui ont signé cette Charte d’Amiens ont, depuis longtemps, « oublié » cet objectif !
Ils préfèrent se rallier à des programmes de gauche de rechange.
Leur responsabilité est grande.
C’est, par exemple, à cause d’eux que le message de l’Occident aux non-occidentaux est vu comme la glorification du capitalisme, et non comme la promotion des libertés publiques et celles de chacun.

*

Bref, comme souvent, je n’ai aucune propension à aller voter les 30 juin et 7 juillet 2024.

Devrais-je me sentir coupable ?
Devrais-je donc me contorsionner pour tenter d’exprimer, sans trop me trahir, un tout petit peu de moi-même ?
Non : ce que j’exprimerais alors serait la part de moi-même que les circonstances auraient réussi à halluciner sous la forme « Cette fois, j’y peux enfin quelque chose. »
(Lors de l’hallucination collective COVID, je ne m’étais pas laissé vacciner)

En votant, n’ajouterais-je pas une couche au déshonneur que je signalais au début de cette lettre ?
Et délibérément, cette fois !

*

26 juin.
L’on ne peut plus exclure une majorité absolue du RN au Parlement.
Me déplacerai-je pour autant vers l’urne, ces prochains dimanche ?
Pour « faire barrage », une fois de plus ?

On a déjà assez donné de cette manière ; combien de fois s’est-on contentés de « faire barrage », puis de se dire que, « ouf, pour cette fois on est tranquilles » !
La conséquence en est que l’on ne sait plus agir positivement, ni peut-être même plus penser.

Si le RN est au gouvernement dans quelques jours (hypothèse qui couve, tout de même, depuis des décennies, et que donc chaque « barreur » a donc eu largement le temps de préparer activement !), la vraie lutte commencera.
Question : y trouvera-t-on, bien déterminés, tous ces éternels « barreurs » ?

Le droit à une vie digne, à la démocratie, à la justice, aux libertés publiques et de chacun, ça n’a que peu à voir avec le fait de déposer, uniquement sur demande et anonymement, un frêle bulletin dans une boîte une fois le temps !
Va falloir s’exposer plus sérieusement…
Si ce n’est cette fois, ce sera la prochaine.

Donc, partant du même principe « j’y peux quelque chose », deux questions :
– Si le RN est au pouvoir, qu’est-ce que je fais, concrètement ?
– Et s’il n’y est pas, qu’est-ce que je fais, concrètement ?
Eh bien, je me dis que la pratique du porte-à-porte aurait toute sa place ; ça ne se pratique d’habitude que, en conquérants, pour promouvoir un candidat : mais pourquoi ça ?
Il s’agirait juste de parler de la situation et, ainsi, de s’enrichir mutuellement.
C’est débile ?

*

27 juin 2024
Barth explique bellement que l’abstention c’est pas son truc.

Dévoilée (à l’instar de son prédécesseur qui exhibait, lui aussi, les attributs de son sexe) une honorable leader syndicale tente de nous faire croire que voter Front populaire est la condition pour que la rue puisse poursuivre le job après le 7 juillet.
Je crois l’inverse : plus les attentes des électeurs auront été déçues, plus ceux-ci seront combatifs*.
La leader, par contre, a raison en estimant qu’elle pourra mieux mettre ses ouailles en rangs de marche dans la rue en cas de « victoire » de la gauche. (Mais qui y croit, à c’te victoire, à c’t’heure ?)
Donnant-donnant est un mode d’échanges entre humains qui n’est pas le pire, ma foi…

* J’avais étonné quelques amis en avouant que, le soir de la première élection de Mitterrand-président, j’avais tout bonnement chialé, au motif que le politique allait désormais accaparer le terrain, nous demandant juste d’enfiler nos charentaises et d’attendre, devant la télé, que les bénéfices du vote nous arrivent…un jour.

28 juin 2024
J’imagine que le souverain (autrement dit la somme des électeurs français actifs) avance vers l’urne l’esprit plus troublé – apeuré ou espératif – que lors d’aucune élection récente.

De ce qui se passe dans le monde (le numérique totalitaire, l’expansion gargantuesque de la religion de la marchandise, l’empire militaro-industriel, le mental en compote, etc.) et qui sous-tend le quotidien de nos existences, l’on n’a pas avancé d’un centimètre sur des choix à faire.

Sur ce qui nous sépare véritablement, nous qui sommes d’un bord ou de l’autre, l’on n’a sans doute pas davantage acquis les lumières nécessaires…

Nous avons été barattés par des médias qui s’imposent.

Pour les maîtres, tout ça est parfait.

Cette élection : encore un coup porté à la démocratie, non ?

29 juin 2024
Reçu ceci :
« La démocratie est un subterfuge qui ne sert que les seuls intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir effectif, celui de faire plier n’importe quel chef d’État.
Leur baguette magique ; les élections.
Quiconque a regardé – dans l’affliction et la consternation – le débat US papy gaga vs beauf délirant ne peut qu’en être convaincu. »

30 juin 2024
Vue de loin, la campagne électorale est – comme il est d’usage, hélas – l’antithèse de ce qu’elle devrait être :

un moment où l’on a le DROIT de réfléchir.

.

En clôture de la campagne, des télé-soirées électorales bourre_le_mou pour nous achever, du genre arrivée des petits chevaux.

Et puis, hop !, on remet un jeton dans la machine, et ça repart…

=

Les élections : de vrais choix ?
ou des urnes funéraires ?

3 juillet 2024

Le futur a déjà commencé…

1- « A court terme, peut-être quelques mois, peut-être deux ans, toutes les forces politiques majeures qui composent notre paysage politique auront disparu dans la tempête qui s’annonce, ou en tout cas, seront reconfigurées au point d’être devenues méconnaissables. »
2- « Le macronisme est déjà mort, la gauche ne survivra pas à son propre mensonge et au mur de la réalité, et le RN à ses contradictions que l’exercice du pouvoir révélera au grand jour. »
Ces deux phrases sont signées Le Gros Rouge Qui Tache, une publication communiste qui sait réfléchir.
1-, Sûr.
2-, Parier sur un RN défait par l’exercice du pouvoir ? Pas sûr du tout !

Licence Creative Commons Mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.