‘Naguère encore, c’était aux luttes opposant les nations ou les classes qu’étaient imputables les maux infligés à l’homme par l’homme.
Aujourd’hui (…) les conséquences des entreprises ‘pacifiques’ sont aussi destructrices, dans les domaines physique, social et psychologique, que les guerres. (…)
L’homme doit survivre à son rêve malsain, celui auquel, dans toutes les cultures antérieures à la nôtre, les mythes ont donné formes et limites.
L’homme n’a pu se réaliser que dans une société dont les mythes bornaient le cauchemar. Le mythe a toujours eu la fonction de rassurer l’homme sur ce front pourvu qu’il ne franchisse pas les limites sacrées. Le péril de succomber à ce vertige n’existait que pour le petit nombre de ceux qui tentaient de duper les dieux. (…)
Seul celui qui transgressait la condition humaine devenait la proie de Némésis pour avoir porté ombrage aux dieux. (…)
L’apparence de Némésis a changé, non pas sa nature. (…)
L’hybris est devenue collective et la société est la réalisation matérielle du cauchemar. L’hybris industrielle a brisé le cadre mythique qui fixait des limites à la folie des rêves. (…)
La source principale de la souffrance, de la maladie et de la mort, c’est à présent le harcèlement technique, délibéré ou non. Les principales maladies, le désarroi, l’injustice, dérivent des stratégies mises en œuvre pour améliorer l’instruction, le logement, l’alimentation et la santé. (…)
Plus le progrès économique d’une communauté est grand, plus est important le rôle de Némésis industrielle dan la génération du mal. (…)
Némésis médicale, c’est l’auto-déréglage institutionnel de l’homme vers le cauchemar.
C’est l’expropriation du vouloir-vivre de l’homme par un service d’entretien qui se charge de le maintenir en état de marche au bénéfice du système industriel.
Illich – Némésis médicale