Quand j’fais un saut au zinc nocturne clandestin, j’aime bien qu’Jojo soit là.
C’est l’genre de gars qui cause pas à tort et à travers.
Toujours posément.
Y a des forts en gueule qui t’laissent pas en placer une, mais, lui, ben non : c’est l’type qui réfléchit avant d’causer.
On est souvent pas d’accord.
Et j’dirais même qu’c’est ça qu’est bien : qu’on soit pas d’accord !
Hier, i’m’fait :
– Le pass sanitaire tu sais qu’c’est juste pour nous forcer à nous faire vacciner ?
– … ?
– Ben oui, pour aller au ciné une fois tous les trois-quatre jours comme c’est mon habitude, tu crois que j’suis allé m’faire pécéèriser deux fois par semaine ? Ben non, tu parles ! Moi, j’l’aime pas, ç’truc-là.
– Et donc ?
– Et donc, ben, vaccin, tiens ! Avec ça, t’es tranquille, mon vieux !
J’avais pas encore vu les choses comme ça.
Mais si c’est Jojo qui l’dit…
Nous laissons encore voler les mouches.
– Sais-tu, j’lui fais soudain, sais-tu que moi j’pense l’inverse ?
J’pensais pas c’t’inverse une minute plus tôt, mais voilà qu’ça m’tombe d’ssus comme la révélation, dis-donc…
Les mouches poursuivent leur ronde.
Puis, Jojo :
– Comment ça l’inverse ? J’ai beau chercher, j’vois pas.
– Ben, oui : pourquoi que l’vaccin i’aurait pas été trompetté pour qu’t’aspires à ton pass sanitaire comme le bourrin à son avoine ?
– …
– C’est pas du tout impossible, si ?
– Mais dis-donc, tu s’rais pas un chouia complotiste, toi ?
– Non, Jojo, non ! Tous ces Lucifer, Bill Gates, l’plan secret des juifs francs maçons transgenres pédophiles jusqu’à la moëlle, très peu pour moi.
– …
– Patron, remets-nous donc ça !
Puis, encore un peu les mouches…
– À ce compte-là, pourquoi qu’la pandémie et tout l’cirque i’z’auraient pas été créés juste pour nous l’fourguer, ce pass sanitaire ?
Il a souvent d’ces questions, Jojo !
Et j’avoue que j’suis pas toujours à son niveau.
Mais, bon, i’m’fait réfléchir un peu.
C’est vrai, j’aime bien qu’Jojo soit là.