Témoignage

Pourquoi témoignez-vous ?
Parce que j’ai toujours aimé faire connaître ce qui me paraissait avoir un avenir. Par exemple, j’ai vendu, il y un demi-siècle, et alors que ça ne semblait pas du tout « porteur », des vins de producteurs bio, ou fait des projets dans le domaine du numérique, .

Néophile ?
Espérant, plutôt. Nous sommes des êtres désirants qui perdons, souvent, trop de temps à ne pas l’accepter. Ou à accepter que décroisse notre désir, qu’il soit galvaudé. Parfois par lassitude, mais souvent parce que celui-ci nous porterait au-delà de ce que nous serions nous-même prêt à accepter d’aller. Les clôtures sont alors plus fortes que notre désir.

Notre désir. Nos désirs. C’est la même chose ?
Nos désirs manifestent notre désir, si nous savons les lire. Ils peuvent aussi nous le cacher.

Aujourd’hui, il sera question de La Vigne.
Je suis entré à La Vigne alors que j’avais déjà fait 87 fois le tour du soleil, ce qui représente près de 90 milliards de kilomètres, figurez-vous.
Et voilà : j’entre donc à La Vigne.

Pourquoi ce nom, La Vigne ?
Il y avait sur ce terrain, un siècle plus tôt, un petit vignoble nommé Clos Galipe. C’était, paraît-il, du berton, autrement dit du cabernet franc, le cépage dominant en Médoc, aujourd’hui encore.

Vous connaissiez les lieux, auparavant ?
Avant de poser ma candidature comme résident, non. Mes explorations viti-vinicoles m’avaient, une fois entraîné pas loin, mais, non, je ne connaissais pas.
Les initiateurs ont résolument tourné le dos au nom historique, ne voulant absolument pas de quelque chose de clos. D’où ce nom assez banal, somme toute : La Vigne.

Dans notre culture, une vigne est quelque chose de réjouissant, tout de même.
Peut-être, un jour, un nom plus évocateur sera-t-il trouvé.

Donc, vous avez alors 87 ans. Et vous décidez de changer de mode de vie.
C’est très courant, de nos jours, de changer de mode de vie quand on est vieux. Par exemple, quand on entre à l’EHPAD.

Et vous, l’EHPAD, c’était pas ce que vous vouliez.
Pas ce que je voulais pour moi-même, mais surtout pas ce que je veux comme solution standard pour les vieux qui ne peuvent plus vivre seuls, ou qui ne veulent pas exténuer leur entourage, ceux qu’on appelle les « aidants ».

Votre néophilie, une fois encore.
Durant des années, c’était bien avant que j’aie atteint cet âge, j’avais exploré divers lieux alternatifs dans le but de découvrir des formes réussies de ce qu’on nommait « intergénérationnel ». Dans des écolieux, les enfants ont leur place – contrairement à d’autres civilisations, on ne sépare pas, ici, les enfants de leurs parents. Mais, plus tard, les enfants se séparent volontiers de leurs parents. En tout cas, ce qui m’est apparu, c’est qu’un vieux ne pouvait être, dans ces lieux alternatifs, qu’une charge.
Il me restait à accepter d’être à charge de la collectivité nationale…

Et ça, vous n’en vouliez pas.
Depuis longtemps, je n’en voulais pas, mais le refus, à lui seul, ne conduit nulle part. Et comme je ne connaissais rien qui fût à ma portée…

Il y avait tout de même les Béguinages solidaires, et d’autres innovations qui commençaient à trouver leur place.
Oui, ce genre de choses trouvait sa place, tout simplement parce que des collectivités territoriales découvraient soudain quoi faire de bâtiments publics qui les encombraient. Non pas parce qu’une réflexion de fond avait été menée sur comment vivre quand on est très vieux.

Ces lieux sont, paraît-il, confortables. Vous aussi, est-ce plus de confort que vous recherchiez ?
Un confort intellectuel peut-être, savoir que je n’avais pas abandonné ma quête. Mais confort matériel, pas du tout. Je savais d’avance que, à La Vigne, le confort matériel ne primerait pas.
(la suite est à venir, peut-être…)

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