J’ai reçu des nouvelles de F. J’explique donc son projet.
F. termine une formation dans le but de devenir maraîchère. Divers stages dans ce domaine l’ont convaincue d’abandonner le job de collaboratrice trilingue qu’elle avait pratiqué jusqu’ici. Mais, quand l’on se lance là-dedans ex nihilo, il y a fort à faire, sans oublier les divers impondérables et les – tout à fait pondérables, elles – formalités qui sont tout autant demandées en pareil cas que s’il s’agissait d’une entreprise de plusieurs centaines de salariés.
Les terres ? F. jette son dévolu sur les 3 ha et demi qui lui sont proposés en location. Reste à construire : l’abri pour une partie des cultures, l’abri pour elle-même – ça s’appelle un logement -, le labo pour le nettoyage des légumes, le hangar de stockage, le garage pour la voiture ‘de fonction’ (eh oui ! celle qui permettra d’aller vendre sur les marchés), etc.
L’hypothèse qu’elle retient : une tontine en nature. Une tontine est, classiquement, un groupement où chacun met de l’argent pour que le projet de tel ou tel membre puisse se réaliser à l’aide de cet argent. C‘est ‘Tous pour Un’, en somme. La fois suivante, ce pourra être au tour d’’Un’ autre. La tontine en nature reprend cette idée en rassemblant des personnes disposées à prêter main-forte à la réalisation d’un projet. Par cette voie, F. espère recevoir les contributions qui lui permettront de réaliser son installation dans de brefs délais, en se consacrant principalement au maraîchage proprement dit. Sinon, c’est un endettement accru qui lui pend au nez.
Une dizaine de personnes, durant 3 ou 4 mois au minimum, seront donc les bienvenues. Travail au noir ? Bien sûr ! Procès éventuel si un contrôleur est renseigné-signalé-dénoncé par le voisinage ? C‘est possible. Ce devrait être, en ce cas, le procès des banques – Crédit Agricole en tête -, trop heureuses de bénéficier des services de l’État pour dissuader les nouveaux agriculteurs à se passer de leurs services.
– Les prêts que je serai de toute façon forcée de contracter pour mes premières cultures et l’achat des matériaux de construction devraient bien suffire à leur repas de fauves !
Cette formule qui sera adoptée pour la fourniture gratuite de services sera un Sel-sans-être-un-Sel. C’est pourquoi F. l’appelle parfois humoristiquement …Poivre.
– Les Sels pèchent par excès de centralisation ; ça génère aisément des perversions quant au pouvoir. Ici, les contributeurs – cuisinier comme charpentier – pourront, s’ils le désirent, faire porter sur un carnet personnel le temps qu’ils auront passé sur le chantier. Pas d’autre authentification. à leur tour, les contributeurs pourront ainsi frapper à d’autres portes le jour où ils auront besoin de coups de main.
– ça n’est peut-être pas un Sel, mais ça n’est pas une tontine stricto sensu non plus !
– Il faudra bien trouver un autre terme, c’est sûr, mais ’Poivre’ ne pourra sans doute pas faire l’affaire ! (rires) Pour le moment, donc, nous nous en tiendrons à tontine : tontine non seulement en nature, mais aussi tontine ouverte à tous vents !
Partager ainsi nos multiples ressources au lieu de – dans le meilleur des cas – n’en vendre que quelques-unes ? Pour ma part, j’adhère ! Quand est-ce qu’on commence, F. ?