Appropriation collective du droit à décider

J’écrivais récemment à quelques amis que l’antipopulisme de certains esprits « éclairés » – faisant en cela équipe avec les médias asservis – est tout simplement antipeuple ; et donc anti « démocratique ». J’y reviens.

Je n’ai jusqu’ici pas accordé de crédit particulier à M. Pierre Rosanvallon, et il me semble vraiment trop prof pour être honnête. N’empêche que, si j’ai bien compris son propos (un long récent topo à France culture ; ça se trouve facilement, mais faut s’accrocher un peu), il finit par dire en substance que le peuple n’est pas présent dans les démocraties qu’on nous vend par tous les moyens, par tous les canaux, par tous les temps.
Bon, peut-être que nous convergeons ?

Sur cette démocratie « par tous les temps », j’ai envie de prendre vingt minutes pour écrire quelques lignes (qui seront inutiles comme tout ce que j’écris depuis dix ans, si j’ai bien compris ; mais bon, pour me décourager, faudrait se lever tôt !).
Dans ces temps de coronavirus régnant, on trouve un paquet d’éléments dont nos œillères nous privent ordinairement pour réfléchir au sac amniotique où nous baignons, tous les jours, depuis que la démocratie est – malheureusement – ce qu’elle est.

Le résultat de « la démocratie comme slogan » est que, par exemple, dans le clystère (désolé, j’ai pas pu m’empêcher) du Morbihan, les habitants ont été incapables de penser – encore moins de décider – sans une autorisation des « autorités », que l’isolement/confinement était à instaurer dès l’apparition des premiers positifs d’entre eux.
OK, ils ne connaissaient collectivement rien aux épidémies, OK (mais l’État, qu’y connaissait-il ?).
OK, ils n’étaient certainement pas fan de la méthode dictatoriale utilisée en Chine, OK, OK.
Ils ne pouvaient donc pas être en charge de ce qui se passe d’important et de périlleux dans leur coin. Le vrai, c’est qu’ils ont délégué électoralement, non pas principalement leurs voix individuelles – c’est là une observation qui ne mène à rien – , mais surtout leurs capacités collectives : eh ben merde !

Je me souviens avoir lu, raconté par Mary.G, il y a quelques années, qu’une démocratie directe serait à construire, en pointant le bout de son nez de manière conventionnelle : à l’occasion d’une banale élection (au Parlement ou au Département, je ne sais plus).
Un canditate se fait élire (bon, ça demande un sacré boulot en amont, j’en sais personnellement quelque chose) et décide que ses assistantes suivront les choses au niveau de l’assemblée à laquelle il est élue, mais lui, non.
Muni de l’onction électorale – cette validation est archi-importante à ses yeux, car c’est la condition pour que les organes de la respectabilité ne se permettent pas si facilement de casser le processus –, le boulot consistera exclusivement à instaurer des capacités locales de pensements et de décisions collectives.
On ne détruit pas l’État accapareur en l’attaquant frontalement, ça se saurait : la bête s’est dotée de ressources ! Mais il existe peut-être des manières de l’obliger à composer.
Celle qu’elle propose, jamais expérimentée me semble-t-il, pourquoi ne pas l’explorer ?
Établissons très progressivement les conditions d’une démocratie réelle.

Or, la leçon implicite de démocratie du moment est que c’est la machine à décider de notre sort qui sait, et même que c’est à Lui, l’État, de savoir, c’est à Lui de décider, c’est l’État qui… etc. Une ode implicite de plus à l’État, donc. Merci donc et bravo à ce coronavirus 2019 !
Et donc une régression de plus…

Ce déni des capacités d’un peuple placé en démocratie depuis des dizaines de décennies, minorisé par l’école et par tous les processus connexes qui lui intiment l’ordre de rester à sa place, ne me hérisse pas seulement, il me fait peur. En tout cas, il ne permet aucunement de donner des leçons à une Chine qui s’y prend, certes, autrement, mais pour un but similaire.

Ça n’a évidemment rien à voir avec des listes citoyennes aux élections municipales, si contre-performantes !
Co-gérer quoi que ce soit avec l’État ? Nous avons tout de même mieux à faire ! Et nous n’osons pas le faire…

Je note que, ces derniers jours, tant à Madagascar qu’en Nouvelle-Zélande, des territoires (petite ville, village) ferment leurs portes à qui n’est « pas d’ici ».
C’est du confinement collectif. C’est de l’appropriation collective du droit à décider.
C’est en tout cas autre chose que chacun chez soi, chacun pour soi, ou « Chantons sur nos balcons, c’est pas con, mon Léon, allons ! ».
Mais la question sera : comment et quand décider de leur réouverture ?
Sur la base de quelle information disponible pour tous et acceptée par tous ?
Le tsunami d’informations que nous expérimentons n’est pas ce qui convient pour ça.
Quelle autre forme ?
Ne faut-il pas inventer des formes collectives – impliquant du face à face, …au besoin à 2 mètres, ok, mais face à face – de recherche (recherche : c’est l’inverse de ce tsunami) et d’appropriation collective de l’information ?
Ca ne s’inventera pas du jour au lendemain.
Mais faut pourtant essayer.

Chez les Maoris de Nouvelle-Zélande.
Une communauté isolée de la côte Est de l’île du Nord pourrait mettre en place des barrages routiers pour empêcher les voyageurs et les habitants de l’extérieur d’entrer – et de risquer la propagation du coronavirus.
Des discussions sont en cours pour mettre en place un point de contrôle à Hicks Bay afin de dissuader les voyageurs non essentiels de se rendre dans la région de Tairawhiti.
Tina Ngata, l’une des organisatrices, a déclaré qu’elle avait un plan de gestion du trafic, qu’elle avait informé la police et que le poste de contrôle fonctionnerait par équipes de deux. « Ce n’est pas le bon moment pour venir dans la région. Nous avons des services de santé réduits et une population vulnérable qui répond à tous les critères pour contracter le virus le plus probablement et la moins susceptible de se rétablir. Cela fait de nous une communauté à haut risque. » Mme Ngata a déclaré qu’ils allaient le dire à tous les automobilistes entrant dans cette région. « Nous avons également écrit des lettres à l’association des camping-caristes pour décourager les gens de venir ici pour la protection de notre communauté. « Bien après que les gens soient rentrés chez eux, les services de santé resteront médiocres. »

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