J., qui fut longtemps militant d‘un parti révolutionnaire :
– Il nous est demandé de plier chaque jour un peu plus l’échine. Comme les autres, j’ai pris le pli de regretter le terrain que nous perdons petit à petit. À ce jeu, j’ai perdu l’ambition de réaliser ce dont nous sommes capables. C’est scandaleux, quand j’y pense, d’avoir à faire ce constat !
– Comment fonctionne ce conditionnement, selon toi ?
– Nous sommes sous une dictature, celle du prétendu réel. Mais ce réel n’est pas réellement réel : c’est artificiellement que nous en sommes gavés. L’opium du peuple est aujourd’hui archi-diffus, et archi-efficace. Nous habitons une dictature soft.
– Et tu connais une voie de sortie ?
– Il n’y a, je crois, que la stratégie du fagot.
– ???
– Si tu veux, à la main, briser un fagot par le milieu, pas d’autre moyen d’y parvenir que de procéder en le divisant en toutes petites unités.
– Oui, mais concrètement ?
– Concrètement, eh bien, c’est un travail de fourmis !
– Mais encore ?
– à ce stade, je suis un peu sec… Je dois continuer à me désillusionner. J’ai trop longtemps vécu dans l’illusion que prendre ‘le’ pouvoir était la solution. Pour ma part, je dois d’abord cesser de me ranger derrière un drapeau qui n’a, au fond, jamais été le mien.