Management participatif

C’est après avoir lu – et, manifestement, relu ! – Mon colonel de Francis Zamponi, que I. a commencé à se poser des questions sur ce dans quoi il venait de s’engager allègrement.

I. est cadre informatique dans une PME d’’énergies renouvelables’ – comme il est de bon ton de dire aujourd’hui, puisqu’’énergie solaire’ ne fait plus autant d’effet – dont le management vient de se voir bouleverser. Déménagement, changement de majorité dans l’actionnariat, prévision de rachat par un grand groupe, tout cela a contribué à modifier l’ambiance dans la boîte. Le racheteur potentiel est un groupe international, originellement axé sur la chimie fine, qui développa ensuite un très profitable secteur pharmaceutique. Et c’est ce très profitable secteur pharma qu’il vient de revendre cher pour – dit le communiqué récemment publié – se lancer dans ce secteur tout nouveau pour lui. Le business ayant ses exigences, il va de soi que les actionnaires ne vont pas admettre de ne rien palper durant la période d’apprentissage ! Le groupe va donc faire comme Microsoft quand, l’internet sortant brusquement de ses langes, Gates découvrit n’avoir rigoureusement rien de profitable dans ce domaine en rayon, et se mit à racheter des tas de petites boîtes alentour, et même plus loin.

C’est en ces termes qu’I. analyse le contexte de l’entreprise où il a gravi plusieurs échelons en dix ans.

Le tout nouveau modèle de management n’était jusqu’ici pas pour lui déplaire, loin de là. La direction prêche, en effet, un management participatif : les orientations, les décisions, tout ça doit désormais se faire en concertation. Elle ajoute tout de même : ‘participatif, quand c’est possible’. En réalité, ce nouveau style se présente dans les faits comme une gratification pour certains : la plupart des cadres, certains personnels non cadres s’ils ont un type de contrat bien précis, et aussi certains services mais pas tous.

– Que voulez-vous, hé, on ne donne pas de la confiture aux cochons !
– Mais aujourd’hui, pour vous, le charme est rompu ?
– Quelque chose est en train de se passer, c’est sûr. Je ne peux pas le nier, c’est vrai qu’il est motivant de voir cesser des décisions pas toujours compréhensibles. Avoir son mot à dire, constater qu’une plus grande part de nos ressources personnelles est ainsi prise en compte, exister davantage tout simplement, tout ça fait que j’ai recommencé à engager la semaine de travail avec plaisir. ça ne m’était plus arrivé depuis longtemps. Un peu comme quand j’étais débutant, mais avec quelque chose en plus, comme à un degré au-dessus.
– Et pourtant… ?
– Pourtant, oui, depuis quelques jours, c’est comme si un voile s’était déchiré devant moi. Difficile d’expliquer. C’est ce fichu livre qui a tout déclenché. Je me suis reconnu dans le personnage du roman de Zamponi et, depuis, j’ai quelques difficultés à me situer. Je suis troublé. Profondément troublé.

Vous avez déjà bossé dans des entreprises, vous ?

– Dans plusieurs grandes, oui.
– En ce cas, vous savez combien, dans des situations comme celle que je connais, on se trouve bien seul. Personne à qui parler réellement. Que l’ambiance soit ’participative’ ou non n’y change rien. Je pense que je vais demander une année sabbatique. Prendre du recul. Bizarrement, le nouveau style a regonflé chez moi l’espoir que l’on peut vivre sa vie sans renoncer ni à ses convictions, ni à ses aspirations. Au fil du temps, le train-train m’avait fait considérer tout ça comme un rêve de jeunesse, un mirage. Je n’y pensais même plus. Quand a débarqué ce nouveau style dans l’entreprise, j’avais tendance à n’en capter que le bon côté. Et ça m’a boosté. Je me suis senti revivre. Et puis soudain, crac ! Impression d’avoir donné dans le panneau. Lourdement.

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J’aime me poser des questions, et j’ai des convictions : les deux marchent de pair !

Mes billets, au jour le jour, s’ajoutent à pas mal de mes écrits anciens…

Aujourd’hui, je suis aussi l’éditeur de desinfo.

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